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Bo Holten, meilleur successeur à Beecham dans Delius ?

a une relation compliquée avec les Anglais, qui ont défendu sa musique. Défendu… dans tous les sens du terme !

Lui-même de nationalité anglaise, Delius leur doit que sa musique a été joué de manière continue à partir de la 1ère Guerre mondiale, et qu'elle ait traversé le XXème siècle sans être oubliée. Mais pour un génial Thomas Beecham qui a su lui restituer sa poésie envoûtante, combien d'honnêtes chefs anglais se sont succédés, dont les interprétations ont finalement alimenté la réputation d'un compositeur à la musique douce voire douceâtre, paisible sinon soporifique, nostalgique pour ne pas dire passéiste?

Avec le chef danois , apparaissait enfin à l'orée des années 2000 une alternative très intéressante à une domination britannique et du Commonwealth dont l'hégémonie s'expliquait surtout par l'absence de postulants internationaux. Deux premiers volumes paraissaient chez Danacord consacrés aux œuvres de Delius liés au Danemark (Danish Masterworks, 2000) et à la Norvège (Norwegian Masterworks, 2002 incluant Song of the High Hills). Chacun associait des œuvres rares avec des mélodies orchestrées par le chef. Ils rencontrèrent un beau succès critique et ont gardé leur fraîcheur et leur attrait, mais restèrent sans suite jusqu'à ce que les célébrations du cent-cinquantenaire apportent l'heureuse occasion de poursuivre la série.

Ainsi paraît aujourd'hui un troisième volume English Masterworks, qui se rapproche du cœur du répertoire délien, avec une œuvre  phare, les Songs of Sunset (1907). Gageons pourtant que bien peu d'amateurs de Delius chérissent cette œuvre sur le crépuscule de l'amour, les interprétations les plus couramment disponibles pêchant par des voix au style dépassé (Thomas Beecham, EMI) ou d'une componction séraphique qui suinte l'ennui (Charles Groves, EMI). Avec qui retrouve la soprano et le baryton , c'est le retour de la sensualité, de la vie, en un mot de l'amour. Les dix ans qui séparent les deux précédents volumes de ce dernier paraissent apporter un supplément d'âme. Dans la force de leur art mais plus mûrs, c'était visiblement le bon moment pour enregistrer ces Songs of Sunset.

Les Three Songs sont des œuvres de jeunesse (1891) typiques de cette période de Delius sous la très forte influence de Grieg et de Wagner. orchestre comme Delius aurait pu le faire dix ans plus tard, quand celui-ci trouve son style personnel. Cela donne à ces mélodies une tonalité proche des Songs of Sunset, avec plus de flamme et de fraîcheur.

Les North Country Sketches (1914) sont l'autre pièce de résistance du disque, et l'occasion pour Bo Holten d'affirmer ses qualités de compréhension intime de la musique orchestrale de Delius. A cette œuvre qui évoque les paysages du Yorkshire où le compositeur aimait tant à se promener dans sa jeunesse, Holten apporte poésie et sens de l'espace dans les deux premiers volets (l'automne et l'hiver) et il sait les relier aux deux derniers mouvements (danse et printemps) qui sont plus dynamiques et démonstratifs. Charles Mackerras chez Argo avait réussi de superbes moments (l'hiver suspendu…) mais il n'avait pas réussi à unifier les climats changeants de cette suite.

A Late Lark (1924-1929) est écrit pour soprano, chœur et orchestre au crépuscule de la vie créatrice de Delius, alors qu'il est déjà aveugle. Cette courte pièce de 5 minutes manifeste la sérénité du compositeur et l'acceptation de son déclin et de la finitude. Une conclusion apaisante. Là comme précédemment, Bo Holten met en relief la vie, la sensualité. Ce sont elles qui fondent cette musique, le caractère crépusculaire n'étant qu'une teinte et non la substance de l'œuvre.

Ne serait-ce que pour des Songs of Sunset de référence, cet album manifeste l'affinité profonde du chef pour cette musique faite de sensualité et de vie. Les déliens qui ont manqué les volumes danois et norvégiens auront à coeur de se les procurer. On attend avec impatience les deux autres volumes qui sont annoncés pour cette année qui seront consacrés à la France et aux Etats-Unis. S'il se maintient à ce niveau interprétatif, Bo Holten s'affirmera comme le meilleur interprète de Delius après Beecham. A suivre !

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