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Le piano délicat de David Fray

Le magnifique Opéra Berlioz affichait quasiment complet pour le récital de donné vendredi dernier. Chacune de ses apparitions est désormais autant attendue que ses enregistrements. Avec un programme articulé autour de Mozart et Beethoven, on ne pouvait que s'attendre à du beau piano surtout connaissant les affinités du soliste avec ces compositeurs. A une exception près, ce fut effectivement le cas notamment à travers les œuvres du Maître de Salzbourg.

Dans sa Sonate n°8 en ré majeur, il n'y a, en effet, pas d'artifices dans le discours ou la technique mais une vraie élégance et un raffinement expressif. La grande ligne est épurée, servie par un cantabile évident. A peine éclairé par des lumières tamisées pourpres, assis sur une inhabituelle chaise à dossier, le pianiste adopte par moment la position qu'affectionnait Glenn Gould. Plongé dans une obscurité totale, le public apprécie et fait preuve d'un silence religieux.

Son approche de la « Pastorale » va nous permettre de suivre les enchaînements et les développements denses avec fluidité. On y retrouve toujours ce toucher délicat qui fait chanter inlassablement les thèmes. Dans l'Andante, une candeur et un abandon quasi enfantin se font ressentir. La gravité palpable installe peu à peu un climat mystique. Avec le Rondo final, une vélocité digitale fait une brève apparition avec sa coda virtuose.

Retour à Mozart avec sa Fantaisie en do mineur K 475. La beauté plastique domine ici à travers les cinq mouvements. Le passage opératique est contrôlé de bout en bout avec une recherche appliquée de sonorité. L'intensité dramatique, renforcée par une main gauche bouillonnante, est réelle mais jamais pesante.

La seule déception de la soirée viendra avec la Sonate «Waldstein». Le caractère  « Beethovénien » ne fut pas au rendez-vous.  On reste sur notre faim car cela manque de véritables contrastes. Le tempo est rapide, les attaques à fleur de clavier sont précises, pourtant le volume d'ensemble ne dépasse pas les mezzos fortes dans l'Allegro et le Rondo final.  La main droite est certes déliée mais reste parfois bien légère et sautillante. De même, l'enchainement entre le deuxième et le troisième mouvement nous plonge dans un univers onirique sans parvenir par la suite à atteindre l'intensité attendue de part et d'autre. Si a toutes les armes digitales pour émouvoir et faire chanter le piano, il a semblé manquer de poids lorsque la partition nécessite un jeu au fond du clavier.

Le pianiste reviendra trois fois sur scène sous les applaudissements chaleureux du public. En premier bis,  il offre successivement un Bach, magnifique d'intériorité et enfin deux morceaux extraits des Scènes d'enfants de Schumann, Kind im Einschlummern  puis Von fremden Ländern und Menschen. Ce récital se termine ainsi sur une note confidentielle et poétique loin de toute démonstration de virtuosité.

Crédit photographique : © Sacha Gusov – Virgin Classics

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