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En attendant Kožená

Le nouvel enregistrement de s'intitule Love and Longing, « amour et attente » – une façon un peu simpliste de rendre compte de la richesse du programme proposé. S'il est indéniablement question ici d'amour, ce sentiment est décliné sur toute sa gamme, du mysticisme à l'érotisme (certes diffus), dont rendent bien compte les diverses esthétiques, entre économie de moyens et chatoiement orchestral.

Les Chants bibliques pour commencer sont une curiosité : il s'agit d'une sélection de psaumes de David, voire d'extraits de psaumes juxtaposés, et chantés en tchèque. Le cycle, relativement court, développe un ton de prière lyrique, entre intimité et extériorité. C'est que l'expression suit de très près les sentiments développés par le texte, et la musique ne néglige aucun figuralisme (les cadences plagales foisonnent). Très attentivement accompagnée par l'orchestre, trouve un cadre dans lequel déployer les nombreuses facettes de son art. C'est agréable, parfois original voire émouvant, sans qu'on crie au chef-d'oeuvre.

Les chef-d'oeuvres, ils arrivent, à commencer par notre préféré, Schéhérazade. En tant que mélomane, on ne peut aborder cette oeuvre qu'en ayant à l'oreille la version de Régine Crespin et Ernest Ansermet, un modèle de simplicité et de sensualité. Et tout de suite, le bât blesse : l'accompagnement orchestral est toujours impeccable, mais la mezzo-soprano peine à imposer son interprétation. Le problème, c'est la diction, et fait à ce point attention à articuler les syllabes que sa voix se fait dure voire atone dans le médium, cependant que le grand aigu paroxystique de la première mélodie, « Asie », est à ce point prudent qu'on est frustré de la chair de poule attendue. « La Flûte enchantée » et « L'indifférent » sont mieux réussis, sans être convaincants. Les comparaisons sont parfois cruelles.

Viennent enfin les Rückert-Lieder, et tout est sauvé. La chanteuse trouve chez un espace parfait pour la profondeur de son timbre, la diction est parfaitement claire et l'émotion pointe à de nombreux moments, pour notre plus grand plaisir. On retiendra parmi les réussites la grande sensualité de la quatrième mélodie, « Ich atmet' einen linden Duft », et les deux sommets incontournables du cycle que sont « Um Mitternacht », un rien roide néanmoins, et « Ich bin der Welt abhanden gekommen », dont les interludes orchestraux rendent justice à l'infinie finesse de l'interprétation du Berliner Philharmoniker.

À l'écoute des dernières plages, et bien qu'on sache Magdalena Kožená très attachée aux répertoires mozartien et baroque, on se prend à souhaiter l'écouter dans le Rosenkavalier de Strauss, tant sa voix épouse avec bonheur le postromantisme allemand. Peut-être notre prochain rendez-vous avec la chanteuse ?

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