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Swiss Piano Trio pour douleur russe

50 minutes ! Certes un peu chiche pour un CD mais largement au-delà de la normale pour un trio à clavier. Surtout lorsque l'on connaît le peu de goût de Tchaïkovski pour l'association de la sonorité des archets avec celle du piano : « Au début je dus me faire violence pour m'habituer à un ensemble d'instruments qui déplait à mon oreille » confie-t-il à son amie Nadia von Meck avant d'avouer « je ne suis pas certain de ne pas avoir, en fin de compte, arrangé de la musique symphonique pour trio au lieu de l'écrire directement ».
Si les proportions de l'œuvre sont effectivement étonnantes, la forme, elle, ne répond pas aux canons de la musique orchestrale. Structurée en deux mouvements (dont le second, Thema con variazoni de 544 mesures, avoisine la demi-heure), l'œuvre est dédiée « à la mémoire d'un Grand Artiste », Nicolaï Rubinstein, disparu en 1881. Deux ans plus tard, Rachmaninov rendra le même hommage à Tchaïkovski, « pleurant » sa disparition dans son Trio op.9.

Le fait justice à cette œuvre trop peu jouée en soulignant, dans le premier mouvement, la puissance dramatique et le caractère sombre de la partition. Accords lourds et massifs du piano, lecture musclée et « exhibition » de la douleur typiquement slave (sans débordement inutile), les musiciens font preuve d'un engagement sans retenue –quitte à y entendre çà et là un certain manque de détachement. On trouvera un beau lyrisme dans les variations qui suivent mais force est de remarquer que plus de recul sur la partition eût permis d'y trouver une dimension supplémentaire qui n'apparaît pas forcément dans cette lecture au premier degré. Un interprétation virile qui réussit néanmoins à bousculer l'auditeur et qui s'assure une place de choix dans une discographie trop mince.

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