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Yuri Temirkanov joue la tradition à Montreux

Tout ce qui comporte la gotha russophone de la Riviera vaudoise était présent aux premiers rangs de l'Auditorium Stravinski pour entendre l'une des plus célèbres phalanges orchestrales russes. Entrée en fanfare avec l'impressionnante ouverture de La Grande Pâque russe de Rimski-Korsakov. Dans l'esprit de la tradition concertante russe, le chef s'emploie avec énergie à montrer son orchestre sous ses meilleures couleurs. Œuvre colorée, il crée autour d'elle des climats tantôt martiaux, tantôt nostalgiques, voir lugubres. Ce sont les pages où le chef semble le mieux inspiré. Tirant de longues traînées musicales de ses cordes, il décrit ainsi à merveille la caricature passionnée de l'âme russe.

Cette première quinzaine de minutes augurait du meilleur pour la suite de ce concert. En soliste, le violoniste , légende de l'instrument interprète le deuxième concerto de Prokofiev. D'emblée, on ressent des ans l'irréparable outrage dans sa manière de jouer. Comme Sviatoslav Richter à son piano, le violoniste s'arme de la partition devant les yeux. Mais cela ne suffit pas à sa musique. Alors que le piano de Richter avait la puissance d'un orchestre entier, Tretiakov est dans le registre aigrelet. Seuls les graves et les aigus survolent le son de l'orchestre, le registre médium reste totalement dans l'ombre. Il ne reste rien de l'artiste qui en 1966, à 19 ans, remportait le premier prix du Concours International Tchaïkovski. Aujourd'hui, son violon est devenu froid, quelconque. Ce n'est pas pourtant faute à l'attention portée par pour offrir le meilleur des accompagnements orchestral au soliste.

Avec la quatrième symphonie de Tchaïkovski, on se dit qu'on est en plein dans l'esprit animant les musiciens russes. L'expérience de combinée à celle de son orchestre devrait faire des étincelles. Et pourtant, l'entrée des cuivres fausse la donne. Excessivement bruyants, cuivrant à l'envi, on réalise que ni le chef ni l'orchestre n'ont pris la mesure de l'acoustique de la salle. On ressent ces premières mesures avec une douloureuse agressivité. La surprise sonore passée, les cordes de l' prennent la musique. Avec un phrasé d'un lyrisme extrême, elles donnent soudain l'impression d'être habitées. Cependant, Yuri Temirkanov reste dans la tradition. Une tradition presque ennuyeuse. L'élégant chef russe soigne son efficacité pour donner corps aux plans musicaux. Un soin bien ressenti entre les cordes et les bois, mais toujours démesuré avec les cuivres qui confondent parfois forte avec bruit ! Quand l'orage cuivrant est passé, il reprend habilement son discours avec les pupitres.
Aujourd'hui, peut-être espère-t-on la musique soit plus animale que cérébrale. Reste que la conception musicale de Yuri Temirkanov manque sensiblement sinon de folie, du moins d'émotion.

En bis, même avec quelques très légères imprécisions, l'interprétation du Salut d‘amour d'Elgar restera le plus bel exemple de ce que nous soulignions plus quant à l'incroyable qualité des cordes de l'

Crédit photographique : © Yunus Durukan

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