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Philippe Manoury: la musique du temps réel

« Je demande à la musique d'avoir l'épaisseur de la vie » déclare dans le second volume d'entretiens que publient les Editions MF (Collection Parole) pour les soixante ans du compositeur.

La Musique du temps réel, qui sollicite les plumes jumelées d'Omer Corlaix et de Jean-Guillaume Lebrun, met au coeur des débats et de la création sonore les dimensions du temps et de l'espace, des notions essentielles pour ce musicien prospecteur et exigeant qui, depuis plus de trente ans – dans les studios de l'IRCAM et ceux de la côte ouest des USA – travaille à maîtriser l'outil informatique pour qu'il serve au mieux son utopie sonore.

La technique du temps réel – que l'on distingue du temps différé – permet aujourd'hui d'affiner toujours davantage le rapport synchrone entre le geste instrumental et les réactions de la machine. Cette nouvelle technologie a intégré « l'interprétation dans la musique électronique » explique Manoury, une possibilité qu'a désormais l'interprète de prendre des décisions dans le temps du concert en favorisant ces zones de « non-écriture » qu'il désigne sous le terme de « partitions virtuelles ».

Avec un rythme soutenu dans les échanges et des réponses qui percutent, revient ensuite sur les grandes figures du monde musical qui ont nourri sa personnalité: Pierre Boulez bien sûr, Stockhausen évidemment, mais aussi Cage, Xénakis, Ligeti, Lachenmann et, plus en amont, Debussy pour la nouveauté du projet formel: « Je pense, dit-il, que la complexité formelle est ce qu'il y a de plus important en matière de travail compositionnelle ». Quant à la jeune génération, il dit suivre de près « les enfants illégitimes des spectraux » – entendez Robin, Cendo, Bedrossian…

Les voyages ont quant à eux nourri cet esprit libre et original qui a toujours eu besoin d'aller voir ailleurs; au Brésil d'abord où l'invite son maître Philippot à la sortie de ses études, puis à San Diego (à la frontière du Mexique) où il a enseigné huit ans la composition et dont il dresse un bilan plutôt critique; au Japon enfin, un pays d'élection qu'il fréquente depuis 1976 et dont la temporalité le fascine. Quant à la réalité culturelle française que Manoury stigmatise avec ce propos direct et engagé qui le caractérise, elle fait l'objet du Postlude – « Temps contrarié » – de ce livre d'entretiens aussi attachant dans sa forme que fervent dans son contenu.

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