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Quinze ans et la maturité pour les Éléments

C'était jour de fête que ce dimanche d'automne à Toulouse où le chœur Les Éléments, fondé par , célébrait son quinzième anniversaire en conclusion du 17e festival Toulouse les orgues. Un juste retour des choses, puisque l'un des premiers concerts du chœur autour du Requiem d'Afred Desenclos avait été accueilli par ce même festival, qui a accompagné la croissance de l'ensemble.

Depuis, le chœur toulousain, qui dispose d'un répertoire de quatre siècles de musique, a faits ses armes sur de nombreuses scènes en France et au-delà, puis glané des lauriers enviés dont deux Victoires de la musique, jusqu'à être considéré aujourd'hui comme l'un des meilleurs chœurs du pays. C'est assez pour être fêté par le public toulousain, qui ne l'a pas toujours reconnu à sa juste valeur et la Halle aux grains était comble.

Le programme représentait parfaitement le parcours artistique des Éléments à travers les répertoires anciens, modernes et contemporains dont des commandes et créations de l'ensemble à de jeunes compositeurs. Ces pièces a cappella permettent d'apprécier la virtuosité du chœur dont les solistes se démultiplient en de complexes combinaisons spatiales.

L'écriture subtile et délicate d'Absence de , créé en 2003, évoque une douce mélancolie par une certaine monotonie mélodique.

Basé sur les Sept dernières paroles du Christ sur la croix, l'expiration christique Lama sabaqtani de présente d'impressionnants effets vocaux prenant leur source sur une base de sifflements et de chuchotements, comme un tragique écartèlement des sons symbolisant le début et la fin de la vie. Cette pièce fut commandée pour le programme Méditerranée Sacrée, que l'ensemble donne régulièrement en concert et a été enregistré en 2011.

Le compositeur grec Alexandros Markéas, qui poursuit une riche collaboration avec le chœur, manie l'écriture polyphonique de façon saisissante. Créée en 2010 en conclusion du même festival, sa pièce Medea Cinderella ne laisse pas de surprendre l'auditeur. Cette tragédie miniature, chantée en grec ancien et moderne, construite sur la dualité des mythes de Médée et Cendrillon, oppose de façon extrême les figures du matriarcat et de la contrainte affective. Les voix masculines chantent les thrènes et les lamentations tandis que les féminines expriment la révolte ou la résignation, passant du chant pur à la voix parlée, criée et éructée. Cette pièce difficile à quatre chœurs, impose une profonde expressivité.

La Messe à double chœur de fut composée en 1922 avec l'Agnus Dei ajouté en 1926. Acte gratuit de l'aveu du compositeur comme un simple acte de foi, elle ne correspond à aucune commande. Restée dans les tiroirs pendant une quarantaine d'années, elle ne fut créée qu'en 1963 par Franz W. Brunnert à la Bugenhagen-Kantorei de Hambourg. L'intention peut semble naïve, mais en revendiquait des éléments très proches comme la grande douceur de l'Et incarnatus est et la foi profonde de l'Homo factus est. Cette polyphonie moderne de toute beauté utilise des modulations harmoniques d'une grande subtilité que les chœurs redoutent pour sa difficulté d'exécution. Avec sa précision coutumière, respecte son intimité en soulignant sa portée dramatique.

Mais si le public toulousain célèbre ce chœur qu'il a enfin fait sien, il attendait avec impatience le Magnificat en ré majeur BWV 243 de JS Bach, qui formait l'apothéose de ce concert festif. Complice habituel de l'ensemble pour les ouvrages baroques « avec symphonie obligée », l'orchestre au grand complet rejoignait Les Éléments avec des solistes rompus à ce répertoire. Si les trompettes naturelles peinent à trouver la justesse dans la sinfonia d'ouverture prise selon un tempo très allant, rassemble rapidement tout le monde pour une interprétation jubilatoire, résolument baroque. La soprano Anne Magouët entraîne le chœur avec ses deux airs lumineux, tandis que le contre-ténor Pascal Bertin, le ténor Raphaël Bernard et la basse Jean-Claude Saragosse délivrent avec ferveur les différents épisodes de cette vaste architecture en forme d'action de grâce et dialoguent avec le chœur enthousiaste. La direction vive de Joël Suhubiette semble pousser chacun dans ses retranchements, ce qui ne perturbe nullement l'orchestre aguerri aux fulgurances de la partition. L'engagement du premier violon, du hautbois solo, du violoncelle solo et des flûtes, soutenu par le superbe continuo de Yasuko Uyama-Bouvard portent haut l'exaltation de cette prière mariale, qui unit les traditions luthérienne et catholique.

En conclusion de la fête, le chœur s'est à nouveau dissocié en plusieurs parties pour offrir au public comblé le choral d'ouverture dit « du veilleur » de la cantate BWV 140 Wachet auf, ruft uns die Stimme « Réveillez vous, la voix nous appelle ». Belle émotion qui nous fit regretter que la cantate ne fût pas chantée dans sa totalité !

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