- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Rudolf Serkin, ou Beethoven poète

Une fois encore, Sony Classical vise merveilleusement juste en publiant en un coffret de 11 CDs dans sa belle série « Masters » tous les enregistrements stéréo que le remarquable pianiste (1903-1991) a consacrés à son compositeur favori, Beethoven. Bien évidemment, précisons d'emblée que ce choix nous prive de certaines gravures mono légendaires, comme une première intégrale des Concertos pour piano avec le seul (de novembre 1950 à avril 1955), quelques Sonates pour piano et, surtout, des pages de musique de chambre avec Pablo Casals dont les cinq Sonates pour violoncelle et piano (juillet 1951 et mai 1953), tandis que ce coffret nous gratifie toutefois de la fabuleuse gravure mono des Variations Diabelli, captée en septembre 1957 à Marlboro.

Les Concertos pour piano ici présents sont ainsi dirigés par pour les n° 1, 2 et 4, et pour les n° 3 et 5, qui conduit aussi la Fantaisie Chorale op. 80. À ces versions studio en stéréo, sont joints des « live » du Festival de Marlboro : le Concerto pour piano n° 4 (dirigé par Alexander Schneider, 7 juillet 1974), la Fantaisie Chorale (dirigée par , le fils de Rudolf, 9 août 1981) et le Triple Concerto (également dirigé par Alexander Schneider, avec Jaime Laredo, violon, et Leslie Parnas, violoncelle, 23 mai 1960).
Pour les besoins de la stéréo, a donc réenregistré les cinq Concertos pour piano entre janvier 1962 et janvier 1965, après les avoir gravés en mono, tous avec , entre mars 1953 et avril 1955. L'intégrale stéréo ne souffre guère de la direction bicéphale Ormandy – Bernstein, même si ce dernier nous paraît plus tumultueux. Si par ailleurs, Serkin ne nous a hélas pas laissé une intégrale des Sonates pour piano, celles qu'il a enregistrées en stéréo – d'août 1960 à décembre 1980, toutes présentes dans ce coffret – ont remplacé les quelques-unes gravées en mono. Elles sont captées en studio, hormis la Sonate n° 26 en mi bémol majeur op. 81a « Les Adieux », enregistrée en public en décembre 1977 au Carnegie Hall. Le respect du texte va jusqu'au point où toutes les reprises sans exception sont effectuées, et dans le cas du premier mouvement de la « Pathétique », nous assistons même au cas exceptionnel de la répétition non seulement de l'exposition Allegro di molto e con brio, mais également du Grave initial qui la précède, car la notation de Beethoven est ambiguë à ce sujet.

Que ce soit dans les œuvres concertantes ou pour piano solo, en public ou en studio, et quelle que soit la date de l'enregistrement, on ne peut qu'admirer la constance des qualités interprétatives de ce magnifique pianiste qui alterne vigueur impérieuse et lyrisme poétique avec franchise et conviction, en des exécutions dont la spontanéité a la fraîcheur et le naturel d'une création originelle. nous livre ainsi des interprétations riches de substance, à la fois rigoureuses, vigoureuses et surtout d'une profonde poésie, mettant en valeur l'aspect plus tendre, plus intimiste de la personnalité complexe de Beethoven : Serkin était un admirable chambriste (notamment avec son légendaire violoniste de beau-père Adolf Busch), et ses exécutions en portent l'évidence irréfutable.

(Visited 1 804 times, 1 visits today)