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Pieter Wispelwey joue Bach : suite(s)

Et de trois ! Troisième enregistrement des Suites pour violoncelle seul de Bach par . Quoi de neuf par rapport au précédent – une référence (Channel Classics) – il y a quatorze ans ? Le diapason, d'abord. 392 Hz, celui de Cöthen à l'époque de la composition du cycle. Autre « (r)évolution » : les tempis. Wispelwey s'entoure cette fois d'éminents spécialistes du compositeur (les très british John Butt et Laurence Dreyfus) afin de discuter des choix les plus pertinents en fonction des connaissances musicologiques actuelles – leurs conversation est filmée et proposée dans un passionnant documentaire de 52 minutes livré en « bonus ». Sans détailler par le menu les distances prises par rapport aux versions de 1990 et 1998, on peut néanmoins laconiquement remarquer que l'instinct d'antan l'emporte parfois sur cette lecture historiquement plus informée. Pour autant, l'enthousiaste curiosité du violoncelliste néerlandais n'en maintient pas moins l'auditeur en éveil du premier prélude à la dernière gigue.

Plein de bonnes intentions, intellectuellement sur le qui-vive, Wispelwey maîtrise la rhétorique de Bach à la perfection. Les phrasés sont travaillés à l'extrême et le rubato toujours à sa juste place. Plastiquement, la tension très faible des cordes limite parfois cruellement leur résonance – d'où une âpreté certaine. Les micros ne manquent rien du bruit des doigts frappant la touche des instruments (un Rombouts de 1710 et un piccolo anonyme du XVIIIe siècle pour la Suite n°6) et dans le feu de l'action, Wispelwey se laisse parfois aller à quelques écarts d'intonation. Voilà pour la description froidement technique. Il reste que, vivant depuis si longtemps avec ces partitions, Wispelwey en est certainement l'un des meilleurs connaisseurs de notre époque. S'il ne perd rien en fraîcheur et en « spontanéité » (est-ce le juste mot entendu le travail d'orfèvre pratiqué sur le ciselage des phrases) et reste l'un des plus extraordinaires « passeurs de musique » que l'on puisse imaginer, il prend parfois le risque de s'enfermer dans une bulle à laquelle tous n'aurons pas forcément directement accès (dans certaines danses lentes, notamment).

En somme, la précédente version reste préférable pour une découverte idéale de ces œuvres sur instrument monté à l'ancienne. Celle-ci semble plutôt réservée aux connaisseurs souhaitant approfondir leur connaissance du cycle. De ce point de vue, la réussite est (presque) totale. Wispelwey n'exclut pas de remettre le recueil sur le métier et de le graver encore – peut-être trois fois, confie-t-il à moitié sérieusement. Tant que son communicatif plaisir reste intact, nous sommes prêt à le suivre dans toutes ses options.

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