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Le piano d’Arthur Lourié, compositeur russo-franco américain

On ne peut pas dire que le compositeur ait une place remarquable dans les histoires de la musique et connaisse un intérêt et une curiosité soutenus de la part des interprètes. Pourtant, né en Russie avant la révolution, il s'intégrera politiquement et musicalement au nouveau régime communiste. Il émigrera en France puis aux États-Unis et rencontrera les grands personnages musicaux du siècle qui firent comme lui partie ou non du flot des émigrés. Bien entendu, de ses premières pièces pour piano on retiendra surtout une écriture et des couleurs venues directement de Scriabine (opus 10, opus 16, Formes en l'air). Avec toutefois en plus la touche personnelle le rattachant à l'avant-gardisme russe futuriste, constructiviste et bruitiste. Les trois références citées – ces Quatre Poèmes, les Synthèses et les Formes en l'air au titre proche de l'humour d'un Satie – nous plongent donc dans un bouillonnement de sons, aux harmonies chargées, aux mélodies disloquées, aux rythmiques complexes. Une musique hautement virtuose dont le pianiste nous donne une approche raide dénuée de tout sentiment qui ne laisse filtrer aucun sentiment. C'est froid et direct, comme le veut cette musique. On ne saurait d'ailleurs lui en tenir rigueur, Lourié, contrairement à Scriabine, ne donnant pas dans le mysticisme. La subjectivité y tient donc peu de place.

Le Upman's smoking Sketch (1917) s'inscrit bien une parodie des modes musicales occidentales tout à fait dans le goût de l'époque.

Arrivé à Paris, Lourié sera influencé par Stravinsky et son néoclassicisme. Il arrange entre 1920 et 1926 deux morceaux de celui-ci, le Concertino pour quatuor et les Symphonies d'instruments à vents, peu intéressants mais inscrits au programme de ce disque sans doute pour servir de transition musicale aux Quatre pièces pour piano de 1924-27, dont les titres à eux seuls indiquent une évolution stylistique proche de certaines parties écrites par un Prokofiev mais aussi assagi avec le temps : la Toccata, la Valse, la Marche et la Gigue conservent un motorisme moderniste dont on ne sait s'il est fait pour parodier ces formes anciennes ou pour leur donner une nouvelle vigueur.

En conclusion, cette production discographique ne saurait être négligée et mérite un intérêt soutenu pour les spécialistes ou les très curieux, à défaut d'être totalement indispensable.

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