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Une étoile pour le Tsar ou le destin d’une ambitieuse

« Mon nom est et j'ai été la plus grande ballerine russe des scènes impériales. Mais le monde où je suis née, celui dans lequel j'ai été élevée, a disparu depuis longtemps, de même que tous ses acteurs – morts, assassinés, exilés, fantômes ambulants. Je suis l'un de ces fantômes. »

Cette vieille dame digne qui nous raconte son histoire n'est pas une héroïne comme les autres : ni timide, ni fragile, elle revendique dès les premières pages son statut d'arriviste : « J'ai toujours admiré les opportunistes car j'en suis une moi-même ». Les jours de faste, elle en a connu beaucoup. Les jours de malheur, bien plus encore.

Adrienne Sharp s'est librement inspirée de la figure de , scandaleuse prima ballerina assoluta du Théâtre Mariinski.

Elle a été la maîtresse de Nicolas II et lui a donné un fils, qui deviendra le compagnon de jeu du Tsarévitch Alexis. Mais malgré ses manigances, Mathilde ne parviendra jamais à se faire épouser de l'Empereur. Las ! Celui-ci lui préfère la blonde et protestante princesse Alix de Hesse-Darmastadt, au grand dépit de notre bouillonnante héroïne : « Quelle sorte d'épouse aurais-je été pour lui ? Aurais-je supporté son avenir – l'emprisonnement, une vie de martyr ? Je peux vous assurer ceci : si j'avais été son épouse, son avenir aurait été tout autre. »

Le roman excelle dans sa description de la Russie impériale de Nicolas II, âge d'or du ballet. Les danseuses sont alors considérées comme des êtres d'exception que l'on conduit en carrosse aux représentations du théâtre. Le ballet, c'est aussi un vivier pour le recrutement des maîtresses impériales. Mathilde K. ne fera pas exception à la règle : « Ce pays était le fief du tsar et n'existait que pour son bon plaisir. Nous, les jeunes filles des écoles impériales de ballet, ne faisions pas exception à la règle. C'est parmi nous que les empereurs et les grands-ducs, les comtes et les officiers du régiment des Gardes choisissaient leurs maîtresses, guettaient une jambe bien galbée ou un joli minois. »

La figure de Nicolas II, Tsar de toute les Russies, est habilement esquissée. Côté pile, c'est un homme lunaire et sensible et un grand amateur de ballets. Côté face, il règne en autocrate sur son pays avec un aveuglement qui conduira inexorablement à la révolution d'Octobre. Son massacre, ainsi que celui de la famille, dans le sous-sol d'une maison d'Ekaterinbourg, glace le sang : « Comment peut-on braquer un fusil sur des jeunes filles effarées, les frapper, assassiner un adolescent de quinze ans qui rampe jusqu'à son père ? Les bolcheviks étaient sans pitié. »

Raillée, méprisée, et alors qu'elle a tout perdu, Mathilde garde la tête haute.

Adrienne Sharp nous conte ici un étonnant destin de femme. Une épopée où se mêlent figures mythiques de l'Histoire et de la danse dans un grand souffle romanesque.

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