Après de nombreuses rééditions consacrées au grand chef d'orchestre Guennadi Rojdestvensky dont les légendaires cycles Sibelius et Prokofiev, Melodiya s'apprête à ressortir son intégrale des Symphonies de Dimitri Chostakovitch.
En introduction de ce projet éditorial, le label russe offre la Symphonie n° 7 qui voit le chef prendre un malin plaisir à déconstruire le mythe d'une œuvre à la gloire de la Grande guerre patriotique et à l'héroïsme du peuple. Enregistrée en pleine Perestroïka (1986), cette lecture est, comme la vie en URSS, désenchantée et acide. La marche inexorable et triomphale du premier mouvement devient le défilé des fantômes de l'empire rouge et des sacrifiés de ce régime inhumain. La verdeur primitive des timbres de l'orchestre, travaillée au scalpel par le chef, impose une tension dramatique à cette résignation. Toute l'interprétation est traversée par des fantômes et des angoisses, jusqu'à un final refusant volontairement toute grandiloquence et qui semble fermer sur lui-même un tombeau. Rarement chef d'orchestre aura poussé, dans cette partition, l'introspection orchestrale vers de telles cimes.
Le son Melodiya est, comme toujours, limité dans sa restitution des dynamiques et manque clairement de précision et de rondeur, mais cette interprétation unique est l'une des pierres angulaires de la discographie.