- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Caressant l’horizon d’Hèctor Parra

Esprit fin autant que rigoureux, passionné par la science au point de lui emprunter ses modèles pour élaborer ses propres structures sonores, écrit une musique exigeante, complexe et radicalement personnelle. Si le timbre est au centre de ses recherches, qui s'incarne dans des textures souvent saturées et gorgées d'énergie, le propos musical est toujours fermement conduit, dans une relation au nombre et une pensée structuraliste qui organise et ramifie la grande forme.

En témoigne ce second CD monographique d'un compositeur étonnamment prolifique, qui réunit ici trois œuvres toute récentes, dont l'imposante pièce pour orchestre Caressant l'horizon donnant son titre à l'album.

Comme pour son œuvre cousine Mineral Life (pour percussion), Hèctor Parra fait appel, dans Early Life (2010) pour hautbois, piano et trio à cordes, aux théories sur l'origine de la vie du physicien Alexandre Graham Cairns-Smith: autant de stimuli à l'imaginaire sonore du compositeur qui soumet ici son matériau à un développement organique – du « gène » musical, sec et bruiteux, à l'ampleur polyphonique et résonnante de la sonorité couronnée par un superbe solo de hautbois (à 8'43) dans lequel Parra révèle des dons étonnants en matière de plastique sonore.

Dans Strees Tensor (2011) pour petit ensemble, Parra en réfère aux théories générales de la relativité d'Einstein dont il dit nourrir sa pensée compositionnelle. Stress Tensor est une musique de gestes, articulée par le silence et propulsée par vagues d'énergie. La matière y est lumineuse, presque minérale, très ciselée et toujours inventive. Le compositeur met à l'œuvre son alchimie personnelle, sollicitant autant de modes de jeu appropriés, pour « écrire le timbre » et en faire jaillir les résonances. Des qualités qui sont magnifiées par le contexte orchestral de Caresser l'horizon, l'œuvre maîtresse de cet album, (une trentaine de minute) écrite pour l'EIC qui l'a créée en novembre 2011. Au vu du titre, visionnaire autant que poétique et inspiré par la lecture de nombreux ouvrages (« Le destin de l'univers » de Jean-Pierre Luminet par exemple) qui galvanisent son imagination, Hector Parra propose une exploration sonore jusqu'aux limites de la matière, l'horizon signalant pour lui cette zone infranchissable où l'énergie est la plus forte. Portée par les trouvailles de son opéra Hypermusic Prologue, l'écriture orchestrale libère une puissance phénoménale, irriguée par l'énergie d'une percussion très sollicitée, tout en concédant des plages d'une grande sensualité où opère le charme des colorations microtonales ; les espaces y sont toujours mouvants, qui se raréfient, se fissurent ou déploient un spectre harmonique somptueux au sein d'une trajectoire dont la maîtrise formelle est rien moins qu'impressionnante.

L'excellence des interprètes – l' et l'EIC sous la baguette experte d'Emilio Pomárico – et la qualité de la captation réunissent les conditions idéales pour suivre les fulgurances d'une pensée sonore d'une étonnante richesse d'imagination.

(Visited 339 times, 1 visits today)