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Cornelius Meister à la tête de l’Ensemble Intercontemporain

Chef prodige au regard de sa biographie – il est à 23 ans au poste de directeur de la musique de Heidelberg – , tout juste 32 ans, est actuellement directeur artistique de l'Orchestre Symphonique de la Radio de Vienne.
Il était invité sur la scène de la Cité de la Musique pour diriger l' dans un programme résolument germanique que l'on pourra réentendre à Montpellier et à Lyon dans les jours qui suivent.

Le concert s'ouvrait avec l'oeuvre du clarinettiste et compositeur munichois . Freie Stücke (Pièces libres) est une suite de dix pièces assez courtes et contrastées où s'exerce l'imaginaire sonore du compositeur: musique fantomatique, à la frange du silence, dans les premières miniatures, paysage onirique traversé de souffles et de gestes-sons étranges ensuite, textures bruitées sollicitant une partie de percussion très en relief qui diversifie ses couleurs (steel drums) et ses modes de jeu (cymbale sur la timbale) versant parfois dans le catalogue d'effets; mais cette trajectoire aventureuse autant que déroutante est toujours finement ciselée et laisse apprécier la qualité de son que les solistes de l' confèrent à cette fantaisie colorée.

est né à Cleveland mais réside en Allemagne où il a travaillé notamment avec . Dans a tearing of vision, le compositeur joue sur l'ambivalence du mot tearing (larmoiement et déchirement) pour évoquer l'idée d'une violence et d'une distorsion de l'image projetée. Elle est traduite dès le début de l'oeuvre par l'intensité d'une fréquence suraigüe que vont entretenir de façon quasi permanente le piano, la harpe et les cordes en pizzicati, mettant l'écriture sous haute tension. Selon un processus spectral jouant sur la transformation continue d'un matériau qui va se dilater ou se contracter à mesure, la pièce de 12 minutes, remarquablement conduite par , nous met à l'écoute du « devenir des sons », selon la formule de Gérard Grisey à qui rend peut-être hommage en terminant sa pièce sur l'effet bruité d'un froissement de feuille d'aluminium.

Très rarement entendu en concert, surtout dans sa version longue de 50 minutes qui monopolisait toute la seconde partie de la soirée, Jagden und Formen, écrit en 1995 mais retravaillé et agrandi en 2001, est sans aucun doute l'un des sommets de l'art de : par la maîtrise de la grande forme qui charpente l'édifice sonore avec une rigueur et une maestria impressionnantes, conférant à cette trajectoire gigantesque des instants d'une vibration intense; par la puissance jubilatoire du geste instrumental que l'on est tenté de comparer à celle de Bach, dans cette entrée fulgurante des cordes en imitation, par exemple, qui constitue une imposante introduction à la mesure de l'oeuvre à venir ou par la présence très en dehors du cor anglais – alias hautbois d'amour – concertant avec la guitare dans des plages d'une plus grande intimité; par cette écriture de « choral orné » d'une somptueuse orchestration, enfin, qui constitue les nervures d'un développement sans faille, réclamant une écoute exigeante, certes, mais toujours comblée dans ces attentes. Le geste économe, précis et expressif de , exemplaire à la tête de 25 musiciens remarquablement investis, n'était pas sans compter dans la réussite de cette gigantesque entreprise.

Crédit photographique © Rosa Franck

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