- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Au concert spirituel avec Jean-Paul Lécot

Durant le règne de Louis XV, en plein milieu du XVIII° siècle, apparait le Concert spirituel, institution musicale dont l'ancien palais de tuileries à Paris fut le siège. En 1748, la grande salle de concert est dotée d'un orgue d'importance, vraisemblablement construit par Jean-Baptiste Micot, d'après de récents travaux musicologiques menés par Nicole Gros. On entend là tout d'abord une musique de chapelle, vite supplantée par un discours plus laïc. C'est le règne de la sonate et du concerto, avec les plus grands musiciens de leur temps. On sait même que Mozart fréquenta ces lieux et offrit ses symphonies parisiennes. De plus, de nombreuses transcriptions d'opéras verront le jour sur ces claviers, tournées vers le galant et le charmeur, où la danse règne de toutes parts.

a choisi de nous faire découvrir les sonorités de l'orgue monumental de Rieti (Italie), au travers de compositeurs ayant fréquenté le Concert spirituel. Idée judicieuse quand on sait que Barthélémy Formentelli qui a construit ce nouvel orgue en 2010, s'est largement inspiré des préceptes de l'Art du facteur d'orgue de François Dom Bedos de Celles, référence absolue en matière de facture d'orgue en France au XVIII° siècle, et contemporain du Concert spirituel. De plus il s'est inspiré également de l'Art du Menuisier de Mr Roubo le fils, autre ouvrage de référence publié au XVIII°siècle, pour en extraire tous les modèles de construction et de sculptures du buffet. Sergio Bellani a façonné cette immense décor baroque en bois. Sa taille monumentale présente en façade une montre de 32 pieds telle que l'avait décrit le moine organiste dans son traité. C'est le grand cinq claviers et pédalier, avec ses 57 jeux, ici reconstitué pour la première fois, dans une grande église de la banlieue de Rome, spécialement aménagée pour le recevoir.

On appréciera quelques compositeurs plus ou moins connus comme Royer, Rameau, Couperin, Mondonville, Corrette ou Tapray. Tous ces auteurs eurent à faire de près ou de loin à l'orgue, à partir parfois du clavecin ou du piano forte, dont on adapta le répertoire. Certaines transcriptions ou adaptations sont d'époque, d'autres récentes de la main même de , comme il nous y a habitués déjà de puis de nombreuses années.

Le son de cet orgue est très clair, aéré, et les registrations judicieusement choisies pour mettre en valeur les textes musicaux. On se répand dans les sonorités du grand plein jeu avec sa résultante grave de 32 pieds, et de tous ces timbres caractéristiques de l'orgue français, jusqu'au monumental grand-jeu qui réunit le chœur des nombreuses anches. La pochette du disque nous montre la console de l'orgue, imposante et conforme aux descriptions de Dom Bedos. Les cinq claviers, aux tailles anciennes, sont rapprochés, tiennent dans la main, permettant de mettre en pratique les techniques du jeu baroque, comme au clavecin.

A l'écoute de ces répertoires, on appréhende combien l'orgue est sorti ici de l'église et de la liturgie, pour se tourner vers d'autres d'horizons. L'orgue devient un instrument de musique à part entière, commode, car il remplace tous les autres, ravissant le public, à l'instar des prestations de Handel jouant à Londres ses concertos pour orgue, pendant les entractes de ses opéras. Ici la musique française sonne dans toute sa majesté et sa pertinence, nous la fait aimer assurément, par une approche enthousiaste et sensible.

Il faut aussi féliciter le facteur français Barthélémy Formentelli pour avoir réussi en plein XXI° siècle à retrouver l'âme de ces grands instruments du passé par une reconstitution intégrale et conforme à l'original. C'est pour lui, avec cet instrument d'exception, assurément le couronnement de sa carrière de maitre facteur d'orgues. .

(Visited 396 times, 1 visits today)