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Première mondiale pour la Missa grande de Marcos Portugal

était jusqu'à ce jour, et à l'édition de ce disque, ignoré du public. Il connut pourtant de son vivant une gloire assez colossale, justifiée par une production hors du commun. On lui doit en effet, entre autres, la composition de nombreuses dizaines d'opéras, et une quantité non négligeable d'œuvres religieuses. Né au Portugal, à Lisbonne en 1762, il passa la première partie de sa vie dans son pays natal. Musicien devenu célèbre, il fut employé par la reine Maria 1° au cours des années 1780. Par la suite il composa environ 400 ouvrages créés et mis en scène dans plus de cent grandes villes et capitales européennes, c'est dire l'ampleur de sa célébrité. Par la suite il fut demandé au Brésil, à Rio de Janeiro pour servir le Régent à partir de 1811. Il termina sa carrière de musicien avec tous les honneurs et meilleures places, devenu immensément célèbre et doté d'un grand talent artistique. Il mourut en 1830.

La Missa grande, proposée aujourd'hui, vraisemblablement écrite au cours des années 1780, se révèle de belle facture. C'est un magnifique exemple d'écriture concertato, dans laquelle les solistes et le chœur se succèdent. Elle fait figure de référence dans la musique luso-brésilienne de la fin du XVIII° siècle et pendant près de 100 ans encore. Afin d'élargir la diffusion de cette messe, Portugal propose une version où l'orchestre est réduit à une basse continue, ce qui rend l'interprétation plus aisée, surtout en matière d'effectif orchestral. C'est cette version là qui a été retenue pour cet enregistrement. L'orgue remplace ici l'orchestre, mais de manière pleine et entière. Les orgues portugais de l'époque présentaient des caractéristiques assez étendues en matière de timbres, et de contrastes dynamiques, aptes à souligner efficacement la partition. L'orgue de l'épître de la cathédrale de Cuenca répond pleinement à ces critères. Olivier Houette, titulaire du grand Clicquot de Poitiers, l'utilise en mains de maître, à la fois soliste, accompagnateur, toujours présent et actif à magnifier le texte musical.

A l'écoute, le style ne trompe pas, nous sommes bien à la fin du XVIII° siècle, le classicisme bat son plein, et Haydn n'est pas très loin. Parfois même, quelques accents rappellent la grandiloquence des messes napoléoniennes. La musique de n'est peut-être pas la plus grande, mais elle fait mouche par son charme indéniable qui touche le cœur de l'auditeur. La présente version nous fait entendre le chœur l'Echelle, et quelques solistes, tous remarquables. On note la présence d'un sopraniste, Charles Barbier, bien à sa place dans sa partie musicale assurément chantée à l'origine par des castrats. La direction de Bruno Propocio est très vivante et porte en avant cette messe, somme toute de couleur très optimiste. L'oeuvre est ornée d'intonations grégoriennes du meilleur effet, captées à distance dans la belle acoustique de la cathédrale de Cuenca, ainsi que deux pièces pour orgue de Dom Melchor Lopez, organiste de la cathédrale de Saint Jacques de Compostelle et contemporain de . Ces pièces permettent d'entendre cet orgue en soliste et d'apprécier la très belle et récente restauration menée par les frères Desmottes de Landete.

En guise de chant de sortie, le disque se termine par une œuvre contemporaine « a capela  » de , intitulée Quetzal. Évoquant les couleurs vives et chatoyantes de cet oiseau exotique, on y entend quelques chansons antillaises, qui se mêlent en un langage contemporain, fait d'échos, de dissonances et superpositions divers. Comme le suggère le texte de la pochette, cette œuvre tisse un fil d'Ariane au-dessus de l'Atlantique.

Enregistrée en première mondiale, la découverte de la Missa grande de Marcos Portugal constitue bien un évènement sans précédent, de la plus haute importance artistique. Le disque demeure encore un formidable outil pédagogique.

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