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Un Chopin de première classe par Roustem Saïtkoulov

Une année seulement après l'exécution de son Concerto pour piano en fa mineur (n° 2) éprouva une forte déception après la présentation publique du Concerto en mi mineur (n°1) en 1830 et quitta définitivement sa Pologne natale pour un voyage européen et une installation définitive en France. En effet, le 17 mars 1830 le public varsovien fut quelque peu déconcerté par la nouveauté du Concerto en fa mineur tandis que la presse se montra plus favorable. Une semaine plus tard l'accueil fut triomphal. Durant ce même été, il composa le mi mineur qu'il aimait particulièrement et joua souvent en public, notamment le 11 octobre lors de son dernier concert à Varsovie.

Toute la poésie, toute l'élégance, tout le romantisme délicat de Chopin trouvent en Saitkoulov un passeur passionnant. Par exemple, le mouvement lent de l'opus 21 reçoit une lecture sentimentale teintée d'apitoiement pour reprendre le terme de Liszt. Il traduit les sentiments amoureux et secrets du jeune musicien pour Constance Gladkowska, une étudiante en chant du conservatoire de la capitale polonaise. « C'est en pensant à cette pure créature que j'ai composé l'Adagio de mon concerto… » Avec son toucher net, son jeu très analytique doté d'une grande poésie, le pianiste russe basé à Paris, aborde le Concerto en fa mineur (op. 21) avec une sincérité payante. Dans le premier mouvement il magnifie « les larges cantilènes, les amples arabesques et les longs traits chromatiques que Chopin voulait que l'on exécute « avec une certaine mesure dans la puissance et la bravoure », comme l'indique Adelaïde de Place (bleu nuit éditeur, 2010). L'interprète dans cette romance centrale exacerbe le style propre au nocturne, ne cache pas l'influence du bel canto, de même que dans le Finale, il s'enthousiasme pour les rythmes vifs et syncopés dits à la Krakowiak.

Après une formation au plus haut niveau (Conservatoire de Kazan, Conservatoire Tchaïkovski de Moscou, Ecole de musique de Munich), après de belles victoires lors de grands concours (Rome, Busoni à Bolzano, Geza Anda à Zurich, Marguerite Long à Paris), s'est amplement produit en soliste et avec orchestre, a acquis, outre un répertoire étendu, un sens brillant de l'architecture, une capacité de faire chanter son instrument, une délicatesse du rendu mélodique, un choix raisonné des nuances, une sentimentalité revendiquée, demeurant toujours à distance raisonnable du pathos. On découvrira donc un pianiste racé, chaleureux, fidèle au texte, suffisamment doué et attachant pour provoquer un accueil positif à ce programme rabâché et trop souvent rabaissé et raboté.

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