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Ami Hoyano, ambassadrice de l’orgue de Béthune

Déjà remarquée lors d'un récent enregistrement sur les deux orgues Riepp d'Ottobeuren en Allemagne, en compagnie de Sarah Kim, nous revient ici en soliste sur l'orgue nordique allemand de Béthune. Le titre même de Révélations en dit long sur les intentions de l'éditeur Ctesibios, largement attiré par le monde de l'orgue. Les révélations sont en effet multiples dans ce disque : L'orgue tout d'abord, qui est une parfaite inspiration des instruments baroques d'Allemagne du nord, magnifiés au XVII° siècle par Arp Schnitger. Depuis longtemps, on a pu apprécier les constructions de la firme Freytag, en complicité avec Jean-Marie Tricoteaux, maitre des mesures et de l'harmonisation générale de ces splendides réalisations. On est heureux de constater qu'un tel projet ait pu voir le jour dans notre pays. Ensuite, une autre révélation, c'est un répertoire complètement adapté à l'esthétique marquée d'un tel instrument, logiquement des pièces baroques et classiques jusqu'à Mozart, mais aussi, révélation de taille, un répertoire contemporain, voire avant-gardiste. Enfin, autre révélation, l'artiste, heureuse élue, ambassadrice pour le rayonnement de l'orgue de Béthune, , japonaise, excellente interprète, est venue en France et en Europe perfectionner son art auprès des plus grands maîtres.

A l'écoute du Praeludium de Bruhns qui ouvre le CD, nous sommes immédiatement plongés dans des sonorités telles que les anciens nous les ont léguées : un tel orgue sonne déjà comme un orgue historique, à la fois par la couleur de ses jeux, le tempérament, et surtout le discours, basé sur l'agogique, magnifiquement révélé par . Le tout est porté par une prise de son, à la fois simple, c'est-à-dire naturelle, mais aussi chaleureuse et proche, à l'image des acoustiques feutrés des églises du nord de l'Europe. C'est un vrai délice pour les oreilles.

Bach se situe dans la continuité de cette rhétorique, avec ses savantes variations canoniques, pour nous conduire naturellement vers Mozart avec une oeuvre étonnante. L'adagio et fugue en ut mineur, composé pour quatuor à cordes, à partir d'une fugue pour deux pianos, se révèle comme une composition contrapuntique digne du père Bach. Certes, l'adagio est d'esthétique plus tardive, sorte de sturm und drang cher aux fils de Bach ; la fugue elle, s'inspire du thème de l'offrande musicale, en un tourbillon perpétuel, rebondissant sur des intervalles assez inhabituels. La transcription à l'orgue paraissait logique, le résultat est convaincant.

La dernière partie du programme propose de la musique de notre temps. Il est intéressant de remarquer, et c'est là encore une révélation, combien ces orgues d'esthétique ancienne, voire très ancienne, sont propices à nos musiques contemporaines. C'est étonnant, mais cela se vérifie souvent. György Ligety, célèbre par ailleurs pour d'autres pièces d'orgue, nous est révélé ici dans une transcription, issue d'une œuvre pour piano, qu' Ami Hoyano propose à ses claviers : trois miniatures charmantes et charmeuses, presque classiques sous la plume de cet auteur. Benoit Mernier, avec sa première invention, explore l'univers virtuel de la polyphonie, à l'instar de Bach dans les partitas pour violon seul : Expérience originale d'un discours monodique sur un instrument à vocation polyphonique. La Toccata de Bernard Foccroulle termine, écrite spécialement pour l'inauguration de l'orgue en 2001, exploite dans sa démarche les caractéristiques propres aux orgues nordiques allemands, y compris aux compositeurs qui s'y rapportent, et aux thèmes qu'ils ont exploités. L'inspiration vient de Buxtehude, et des mélodies de chorals Komm Heiliger Geist et Mit Fried und Freund.

Un tel disque, intelligemment réalisé, révèle une foule d'éléments quasi illimitée, où chacun pourra, à l'écoute, mettre en valeur, ou découvrir tel ou tel, au gré de ses impressions et de ses aspirations.

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