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Musique anglaise à l’époque de Cromwell

Le programme proposé par ce remarquable CD couvre la période de transition, assez peu connue sur le plan musical, entre l'âge d'or de la musique élisabéthaine et le renouveau incarné par Purcell et ses comparses au moment de la Restauration de la monarchie. En ses temps troubles sur le plan historique et politique, la production musicale avait considérablement réduit autant dans les théâtres – tous fermés sous le Commonwealth de Cromwell – que dans les églises, où les Puritains installés au pouvoir voyaient d'un assez mauvais œil tout ce qui pouvait passer à leurs yeux pour un artifice contraire aux règles d'austérité les plus strictes. Seule la pratique privée de la musique restait véritablement possible, la décapitation de Charles I en 1641 ayant également entraîné, de facto, la dissolution de la King's Musick et de la Chapelle Royale.

Et pourtant la période, fortement influencée par les courants en vogue en Italie, était particulièrement riche en changements et en renouveaux de toute sorte : abandon de l'écriture polyphonique et contrapuntique au profit de la monodie, simplification de l'accompagnement, réduit à une simple ligne de basse, davantage de liberté accordée au chanteur, etc. En Angleterre, le stile nuovo propagé en Italie par Monteverdi et Caccini avait ainsi pris la forme de ces declamatory ayres, dans lesquels excellaient plusieurs compositeurs talentueux au nombre desquels figuraient en bonne place les frères Lawes et Nicholas Lanier, pour qui le poste de Master of the King's Musick avait été créé par Charles I en 1626.

La sélection opérée sur ce CD permettra ainsi de faire découvrir un certain nombre de joyaux musicaux et poétiques. Grivois ou poétiques, mélancoliques ou sarcastiques, ces ayres chantent toutes les facettes de l'amour, à une époque où la pruderie n'était pas de mise. Souvent écrit par les plus grands poètes de l'époque (Robert Herrick, Thomas Carew), les textes sont eux aussi particulièrement riches sur le plan littéraire. Parfaitement dosé, le programme n'engendre à aucun moment la monotonie, certaines pièces instrumentales venant à point nommé apporter les respirations attendues au moment le plus adéquat.

L'interprétation de l' est tout à fait à la hauteur du programme retenu, et l'on n'aura que des compliments pour les trois instrumentistes, Bertrand Cuiller au clavecin, Florence Bolton à la viole et Benjamin Pierrot au luth, au théorbe et à la guitare baroque.

Le ténor américain , doté en réalité d'une voix de haute-contre à la française, possède l'instrument idéal pour rendre justice aux pièces qu'il interprète. Tout au plus pourra-t-on lui reprocher quelques outrances interprétatives qui, si elles sont destinées à être expressives, n'en sont pas moins quelque peu dérangeantes pour l'auditeur habitué à la suavité souvent associée à la musique de la Restauration.

Mais pour la beauté du programme, on se précipitera sur ce très intéressant CD qui nous rappellera que le baroque anglais n'est pas né avec Purcell.

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