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Gustavo Dudamel à son meilleur avec le Los Angeles Philharmonic

Si la veille avait proposé au public français une œuvre très contemporaine de (L'Évangile selon l'autre Marie, lire notre critique) dont il fut le créateur à Los Angeles le 31 mai 2012, pour son deuxième concert parisien de la tournée du Los Angeles Philharmonic, il revint un siècle en arrière, en 1905 avec La Mer de Debussy, puis en 1910 avec L'Oiseau de feu de Stravinski.

Toutefois l'ouverture de ce concert fut consacré au petit quart d'heure d'une originale œuvre pour cordes (7 violons, 3 altos, 2 violoncelles, 1 contrebasse) du compositeur canadien , Zipangu, écrite en 1980, évocation du Japon alias « Cypango » tel qu'on le nommait au XIIIème siècle. Variant au maximum l'expression et les techniques d'archet, Le morceau intéresse sur le coup, attire l'oreille, surprend, sans forcément émouvoir ni inspirer directement des images à l'auditeur. Ainsi le Japon ne vient pas spontanément à l'esprit, même si un certain exotisme s'y fait sentir. La nécessité de clore cette pièce au bout de quinze minutes ne nous sauta pour autant pas aux oreilles, pourquoi n'est-elle pas deux fois plus longue, nous sommes nous dit … ou deux fois plus courte ?

La Mer de Debussy n'a plus à faire ses preuves pour s'imposer et c'était plutôt la direction de qui attisait notre curiosité. Toute en concentration, prenant le temps de phraser et équilibrer la masse symphonique, le chef dompta sans faiblesse mer et vent subtilement décrits par Debussy. Plus proche d'une vision purement musicale et romantique qu'impressionniste, sa vision s'épanouit plus nettement dans le dernier mouvement. Il se dégagea de son interprétation un aspect noblement sérieux à qui il manqua sans doute ici ou là d'un soupçon de liberté pour constamment convaincre, mais qui s'avéra déjà captivante et assez prometteuse de futures versions encore plus abouties de la part de ce chef encore en devenir. L'orchestre, cette fois au complet, s'y montra remarquable, sans la moindre faiblesse sur l'ensemble de ses pupitres. La couleur n'y était peut-être pas joliment française mais cela n'avait finalement pas d'importance devant la qualité globale de l'exécution.

Que dire alors du niveau époustouflant atteint par un Oiseau de feu digne des meilleurs, toute époque confondue, que chef et orchestre nous offrirent après l'entracte. Les climats des différents épisodes étaient parfaitement restitués et la progression dramatique idéalement respectée tout au long des près de cinquante minutes du ballet intégral, gageure rarement réussie à ce point. Les choix de tempo toujours pertinents comme l'étendue dynamique sans la moindre distorsion de l'orchestre contribuèrent grandement à la réussite de cette interprétation qui commença déjà magnifiquement pour atteindre des sommets dans les moments les plus impressionnants de la partition, dont une Danse infernale de Kastcheï et de ses sujets d'anthologie qui déclencha chez une partie du public l'irrésistible envie d'applaudir alors que la Berceuse commençait à se faire entendre. Cette manifestation d'enthousiasme libératoire, bien que musicalement assez mal venue, était plus que compréhensible tant les minutes qui précédèrent avaient mis le public en apnée sinon en transe. La fin du ballet fut tout aussi glorieuse, déclenchant cette fois-ci sans retenue les applaudissements d'un public conquis. Incontestablement un concert à ranger dans les grands moments de la saison, et qui montra clairement de quoi ce chef qui a tout l'avenir devant lui est capable quand il est à son meilleur.

Crédit photographique : (c) DR

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