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Carolyn Carlson, l’Harmonie

Trois histoires courtes dont le sens de chacune rejoint le sens de l'autre, trois évocations de la complexité du monde et en même temps de sa cohérence : voilà le message esthétique et parlant, si l'on peut dire puisque la parole en est absente, que nous transmet la chorégraphe, toujours fidèle à sa quête de la spiritualité.

Deux des trois séquences portent des titres orientaux, et cela dit assez que s'intéresse de très près aux philosophies orientales. Celles qui axent leurs réflexions sur les rapports étroits que l'homme doit entretenir avec son milieu naturel s'il ne veut pas se perdre sont évoquées dans « Wind Woman » ; celles qui insistent sur la complémentarité de principes qui s'opposent parfois transparaissent dans « Li » ; quant au solo « Mandala », il termine le spectacle par une sorte de profession de foi : la civilisation occidentale, la société de consommation n'apportent que de l'agressivité à l'individu, mais le recentrage sur soi, la pratique de la concentration apportent au contraire la lumière et l'apaisement.

La musique est un élément structurant des trois chorégraphies, et on pourrait croire qu'elle est composée par le même auteur tellement les sonorités se ressemblent ! En effet, on trouve des nappes profondes et apaisantes comme support « fondamental » dans « Li » et dans « Wind Woman », et les cordes jouent un rôle non négligeable dans ce dernier solo et dans « Mandala ». Disons que ces trois compositions sont parfaitement adaptées au sujet et ne sombrent pas dans le kitsch oriental, mais, au contraire mettent en présence deux civilisations musicales qui sont très opposées : le parti-pris colle au sujet ! Une réserve cependant : oreilles sensibles, s'abstenir au début de « Mandala »…

Le geste de est magnifique ; qu'il soit fluide ou heurté, il est toujours justifié et toujours harmonieux. Dans les trois chorégraphies, les corps sont en symbiose avec la musique, et bougent avec naturel et grâce : on ne peut s'empêcher de se dire que c'est l'œuvre d'une femme qui sent l'essentiel de la danse en restant toujours d'une élégance retenue : la classe… Les interprètes entrent parfaitement dans le propos, habillés avec une sobriété qui magnifie leur danse. Les cheveux longs des trois femmes accentuent leurs mouvements mais aussi leur animalité, et donc le rapport avec les mondes vivants.

En effet, si les gestes des deux danseurs au début de « Li » nous évoquent une sorte de ballet, comme deux jumeaux dans un liquide amniotique, le vent agite le corps de Céline Maufroid comme celui d'un roseau, mais la transe hypnotique de Sara Orselli, proche de celle des derviches, nous aspire dans un monde éthéré.

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