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Murray Perahia, Un concert tout en nuances à Pleyel

Un concert de est toujours un événement attendu. Le pianiste, qui a su imposer auprès du public son style d'interprétation clair et rigoureux, reste une valeur sûre pour le répertoire allant de Bach à Brahms – quand bien même on note dans sa discographie quelques rares incursions dans la musique de Bartok et de Rachmaninov.

Le programme qu'il nous proposait salle Pleyel restait dans les clous, tout en proposant une grande variété de styles, avec notamment la présence d'un petit « nouveau » que le pianiste n'a pas encore enregistré : Haydn, dont la sonate en deux mouvements, aimable, galante, ouvrait agréablement le programme.

La suite de Bach révélait ensuite toute la science musicale du pianiste. Ménageant intelligemment ses effets, jouait toutes les reprises, ainsi qu'il convient, mais par de subtiles variations d'intensité réussissait à ne pas les rendre redondantes, ce que nous avons particulièrement apprécié dans la « Gigue » finale notamment.

La fameuse sonate « Les Adieux » de Beethoven, dont le premier mouvement était interprété avec fièvre et maestria, aurait mérité davantage de respiration dans « L'absence », fait d'une multitude d'évènements contrastés, dont la juxtaposition simple nous semblait quelque peu indigeste. « Le retour » accusait quant à lui des choix d'interprétation étonnants, notamment (et toujours !) dans la gestion des nuances. On citera par exemple au cours de l'exposition l'articulation entre les trois présentations du premier thème et le pont, dont gommait certaines nuances, ce qui avait pour effet de créer une rupture du discours, au lieu du crescendo progressif voulu par le compositeur. Le véritable élément de rupture intervenant à la fin du pont avec les arpèges martelés, le tout semblait quelque peu brutal et par trop séquencé.

Le point d'orgue du concert était atteint après la pause avec les Moments musicaux de Schubert. Le pianiste, visiblement inspiré par ces pages, nous livrait une interprétation d'une rare concentration, tout bonnement bouleversante, qui fit (heureusement) taire les quintes de toux. C'était merveille d'écouter la résonance des accords, posés comme sur du velours, de suivre les traits – et quel arrachement à chaque fin de phrase ! On manque de superlatifs pour décrire l'infinie poésie de l'interprétation de ces Moments, dont il est injuste que la postérité n'ai retenu que le troisième, alors qu'il y a tant de musique, et plus belle encore, dans les cinq autres.

Visiblement fatigué, Murray Perahia avait pourtant fort intelligemment souhaité conclure brillamment son concert par l'Impromptu en fa dièse et le Scherzo n°2 de Chopin, tout deux fort réussis, quoiqu'on note une certaine fébrilité au début du Scherzo, vite estompée.

Et comme le public se montrait fort chaleureux, le pianiste, comme rasséréné, trouvait encore la force de jouer pas moins de trois bis : un Intermezzo de Brahms, un Nocturne de Chopin et l'Impromptu en mi bémol majeur de Schubert. À ce stade, la standing ovation, fort méritée, lui était largement assurée.

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