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Marie-Nicole Lemieux tient salon au Musée d’Orsay

Faire revivre la musique de salon dont raffolait la Belle Époque : c'est la noble ambition de , dont la voix remarquable semble décidément convenir à tous les répertoires. Dans le décor chaleureux du petit Auditorium du musée d'Orsay, son génie est de montrer un reflet de l'atmosphère de ces soirées musicales dont les romans nous conservent le souvenir. Son art de la saillie, son tempérament affable, ses mimiques excessives, ses adresses à l'auditoire, donnent à la cantatrice l'allure d'une Madame Verdurin ; le public, pour sa plus grande fierté, devient l'intime « petit clan ».

Les Cinq mélodies de Venise, toutes plus exquises les unes que les autres, sont un sommet de la musique française, et néanmoins une entrée en matière un peu ardue. Même si la suite du concert achève de l'échauffer, la voix de manque encore de souplesse et de moelleux, et sa diction, rendue confuse, ne sert pas au mieux les poèmes de Verlaine. L'extraordinaire se produit dans l'interprétation d'Après un rêve : la continuité des lignes, la beauté du timbre de la voix, les nuances délicates, tout séduit.

La musique de Fauré est à celle de ce que la mélodie classique est à la chanson. Hahn, héraut d'une musique spontanément aimable, ne conçoit l'accompagnement du piano que comme un soutien du poème et de la voix. Cette vision a minima du lien poésie-musique engendre des partitions plutôt anecdotiques, mais pas désagréables à l'oreille : l'harmonie est simple, et les textes sont joliment mis en valeurs. Ils siéent quoi qu'il en soit au talent d'actrice de , qui varie les poses et les gestes avec un naturel plein de charme.

Alors que décore d'une musique quelconque les poèmes les plus sublimes, l'infortuné Koechlin déploie des trésors d'inventivité pour des vers de mirliton. On le regrette, car son langage musical garde un vrai pouvoir d'évocation : dans la mélodie Hiver, par exemple, le pianiste alterne quintes à vide et glissandi tandis qu'une voix blanche chante recto tono, pour suggérer la désolation et les terres battues par les vents.

L'idée de conclure le concert par des pièces de Duparc est astucieuse. Les trop rares mélodies de ce compositeur s'élèvent au-dessus des circonstances mondaines : elles esquissent véritablement un rapprochement des esthétiques française et allemande, et offrent l'exemple presque unique d'une union parfaite de la musique et du texte. Marie-Nicole Lemieux en est consciente, puisqu'elle tient à chanter sans partition, pour être tout entière à cette Invitation au voyage, ou à cette évocation d'une Vie antérieure.

Il est impossible de terminer sans louer le pianiste accompagnateur, , dont c'était la première collaboration avec la cantatrice. S'il tâche toujours de laisser à la voix le premier plan sonore, son jeu, extrêmement soigné, est plein de personnalité et de grâce.

Crédit photographique : Marie-Nicole Lemieux © Geneviève Lesieur

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