A la tête de son Orchestre symphonique de la SWR de Baden-Baden et Fribourg-en-Brisgau, le chef d'orchestre François-Xavier s'attaque à une intégrale des œuvres de Richard Strauss. L'idée n'est pas mauvaise, car, si l'on fait abstraction de l'intégrale légendaire de Rudolf Kempe à Dresde (EMI), les « intégrales » straussiennes ne sont pas légions. On pointe celle tonitruante de Maazel à Munich (RCA) ou celle, bien fignolée mais trop timide, de David Zinmann à Zurich. Bien que moins soyeux que les phalanges de Dresde ou Vienne dans ce répertoire démonstration, l'orchestre de Bade-Wurtemberg a de solides atouts : une force de concentration exceptionnelle, une flexibilité totale, des teintes mates et granitiques et un impact dynamique phénoménal.
Au pupitre de ses musiciens, François-Xavier Roth impose un Strauss, puissamment moderniste et foncièrement orchestral. Point de rêverie nostalgique d'une grandeur d'empire d'Europe centrale, mais une battue conquérante qui sculpte une épopée carénée et presque constructiviste. Le chef travaille la lisibilité des thèmes et la force dramatique avec des dynamiques explosives, mais jamais gratuites. L'orchestre fonce tête baissé à la suite des indications du chef. La Vie de Héros et le poème symphonique Mort et transfiguration connaissent ici l'une de leurs plus belles interprétations depuis les grandes lectures de Karajan (DGG et EMI), Solti (Decca), Haitink (Philips), Abbado (DGG).
On sait l'orchestre de Baden-Baden-Freiburg, menacé de disparition. A entendre sa qualité, son fini instrumental et son engagement, ce serait un véritable scandale et une perte irrémédiable pour la vie musicale européenne.