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Lille Piano(s) Festival 2013

La 10e édition de a rassemblé 15 000 mélomanes en 50 concerts, un record, et fêté de nombreux anniversaires (Verdi, Wagner, Le Sacre du Printemps…).

Deux lauréats du Concours international Reine Elisabeth de Belgique, qui vient de s'achever le 1er juin dernier, ouvrent le bal, avec l' sous la direction de (Zuo Zhang, 5e lauréat, dans le Premier Concerto de Liszt et Stanislav Khristenko, 4e lauréat, dans le Troisième Concerto de Rachmaninov).

En soirée, joue deux premiers Concertos de Beethoven en dirigeant l' depuis le piano. La très bonne acoustique du nouvel Auditorium du Nouveau Siècle et le tout dernier piano de concert Yamaha CFX font que pour ce répertoire, la musique sonnait un peu trop largement pour notre goût. Il poursuit le marathon Beethoven avec trois autres Concertos et la Sonate « Appationata » tout au long du festival.

Le samedi matin, dans le très bel Auditorium du Conservatoire, et Eric Le Sage inaugurent les festivités dédiées à Poulenc (Sonates à quatre mains et pour deux pianos, Cappriccio et Elégie pour deux pianos, avec la Sonate de Mozart), dans une interprétation extrêmement dynamique aux touches claires, que chaque auditeur a profondément apprécié. Dans « Tribute to Franck Zappa », au début d'après-midi, Christophe Mangou commente le concert en insistant sur le parcours original du musicien, et avec Fred Maurin comme complice, joue le Concerto pour guitare électrique, à 80 % improvisé en « sound painting ». Cela change d'air pour un festival de piano de musique essentiellement classique !

Pour Alkan, il faudra citer le magnifique récital de où il exécute magistralement la Grande Sonate « Les quatre âges », ainsi que des Préludes de Rachmaninov, dans un style épuré et sobre malgré la virtuosité de l'œuvre. A 21 ans à peine, l'artiste possède une sensibilité hors du commun dont l'évolution mérite d'être suivie par les mélomanes les plus avertis.

En soirée, au Nouveau Siècle, présente trois élèves à qui il a dispensé des masterclass la veille. En deuxième partie, c'est lui-même qui propose la Deuxième Sonate et les Préludes de Chopin, dans une interprétation très masculine et pleine d'énergie, mais également très lyrique, balayant l'image romantique communément admise du compositeur. Fraîche et puissante, cette approche est accueillie par une ovation debout du public enthousiasmé.

Le dimanche 16, la journée commence par une autre bouffée de fraîcheur par le duo et , (Dolly de Fauré, Valses de Brahms et Danses slaves de Dvorák). En une symbiose musicale rare, les deux pianistes font transparaître, à travers une spontanéité d'exécution, des préparations plus que minutieuses ; nous avons presque envie de les réentendre encore et encore dans un disque !

Dans l'après-midi, deux concerts de très grande qualité au Théâtre du Nord : un concert-lecture et un récital.
Le premier, intitulé « J'écris ce qui me chante », concocté par au piano et en récitant, retrace en quelque sorte la vie – concentrée sur sa jeunesse – de Poulenc, au travers d'extraits de ses écrits. Ces textes à la fois drôles et raffinés sont lus et exprimés par des tons et des nuances si multiples que c'est comme si Poulenc lui-même nous parlait. Les musiques de ce dernier, mais aussi de Chopin, de Satie, de Debussy et de Mozart, sous les doigts délicats de , donnent encore plus de vie aux propos du compositeur. Ensemble, les deux artistes invitent l'auditeur à vivre un quotidien parisien du début du 20e siècle, dont les souvenirs demeurent encore nets dans le mémoire collective. Voilà donc un concert que l'on veut et peut continuer à écouter des heures durant.

Le deuxième concert est un récital de consacré à l'Art de la fugue de Jean-Sébastien Bach. Dès les premières notes, le musicien attire l'attention du public qui écoute religieusement les 90 minutes de musique dans un silence absolu. Le pianiste, avec une concentration extrême, joue les variations l'une après l'autre, et dans quelle intensité ! Il incarne les idées musicales du cantor de Leipzig, et ne donne pas un seul moment de répit à ceux qui écoutent. Pour les dernières mesures, il amplifie toutes les notes en maintenant la pédale droite, comme si l'âme du compositeur s'envolait dans l'air, avant de s'arrêter exactement là où ce dernier a posé la plume. Envahis par une profonde émotion, nous sommes restés muets pendant quelques minutes avant que quelqu'un frappe dans ses mains.

Le Festival s'achève comme il s'est ouvert, avec le Cinquième Concerto de Beethoven par et l' dirigé par . Cette fois, l'acoustique de la salle et le piano donnent une sonorité large et héroïque digne du titre de l'œuvre, « Empereur ».

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