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Le Coq d’or : l’exhumation de l’oiseau satirique

Le fonds de charité pour le développement chorégraphique Marius Liepa, fondé en 1976, a notamment pour objectif de sensibiliser le public aux œuvres oubliées du répertoire chorégraphique.

Cette année, dans le cadre de la sixième édition des Saisons Russes du XXIe siècle, principal projet de la fondation, nous est présenté Le Coq d'or, un opéra-ballet adapté d'un conte d'Alexandre Pouchkine. Avec cette histoire de tsar, d'astrologue, de reine et de coq magique, le tout mélangé à une sauce orientalisante, le poète s'est saisi de la tradition populaire du conte pour écrire une fable alerte et malicieuse prétexte à une mordante satire politique. Le compositeur Rimski-Korsakov en fit un opéra. Mais la direction des théâtres impériaux, qui craignait que l'œuvre ne déplaise au Tsar Nicolas II, refusa dans un premier temps de monter la production. Michel Fokine s'empara de l'œuvre quelques années plus tard et en fit un ballet qui fut présenté sur la scène du Palais Garnier en 1914.

L'intrigue du conte est la suivante : le tsar Didon est désespéré car il voit son empire assailli de tous côtés par des hordes étrangères. Un astrologue apparaît et lui offre un coq d'or magique qui, par son chant, préviendra des invasions imminentes. Le tsar, éperdu de gratitude, promet à l'astrologue d'exaucer n'importe lequel de ses vœux. Or, lorsque celui-ci exige son dû quelques années plus tard (il souhaite en l'occurrence que le tsar lui cède sa fiancée), le souverain refuse et assassine l'astrologue. Le coq d'or tue alors le tsar d'un coup de bec.

Le mélange des genres, s'il peut surprendre de prime abord, est réellement intéressant. On peut cependant déplorer l'absence de sur-titrages, qui prive le public non russophone de la saveur et de la subtilité des vers de Pouchkine. En l'absence de traduction, l'intrigue perd toute portée satirique et se révèle uniquement divertissante. Dommage.

Le travail de reconstitution de l'œuvre oubliée constitue le point fort de la production. La pantomime, très (trop) lisible, semble malheureusement plus adaptée à un jeune public qu'aux amateurs de danse. Point de prouesses techniques dans ce ballet (les sauts du coq d'or étaient quand même impressionnants), mais une effervescence de danses d'inspiration folklorique. C'est gai et coloré. Les décors et les costumes ne sont pas en reste et ont été soigneusement reconstitués d'après les esquisses conservées à Londres, à Moscou et à New-York. L'exubérance des couleurs et des matières nous rappellent les beaux jours du fauvisme et du style Art Déco (ah ! ces rideaux de scène de Léon Bakst !).

Cette œuvre à la théâtralité exacerbée bénéficie d'une excellente interprétation, tout autant lyrique que chorégraphique. Mention spéciale à la très gracieuse et pimpante , qui a remplacé au pied levé la danseuse étoile de la compagnie.

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