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Vers une intégrale symphonique Weinberg, enfin!

Le vaste œuvre symphonique Mieczyslaw Weinberg fort de 27 opus reste encore partiellement inexploré au disque, puisque les Symphonies n° 9 (pour narrateur, chœur et orchestre), n° 11 (pour chœur et orchestre), n° 13, 15, 21 (Kaddish, en hommages aux victimes du ghetto de Varsovie) n'ont encore jamais été enregistrées et que la n° 8 « Fleurs polonaises » de 1964 pour solistes, chœur et orchestre bénéficie de son premier enregistrement mondial.

Pourtant certaines œuvres ont été multi-enregistrées, ainsi la n°6 bénéficie de 7 enregistrements (dont pas moins 5 datant de 2010-2011) réalisés en Russie et Pologne bien sûr, mais également en Autriche, Israel et Etats-Unis. Mais il n'existe pas de publication d'ensemble, et à l'exception notable de Chandos et Neos, les labels (Melodiya, Northern Flowers, Relief…) sont d'une diffusion aléatoire. Cette dispersion des efforts pourrait bientôt n'être plus qu'un souvenir, car le poids-lourd Naxos apporte sa force de frappe mondiale pour la diffusion de ce qui s'annonce comme une intégrale de référence qui sera réalisée de manière partagée avec Chandos.

Avec beaucoup d'à-propos, Naxos aligne des formations russe et polonaise, l' dirigé par le très expérimenté pour la Symphonie n°8 Fleurs polonaises, et l'Orchestre symphonique d'Etat de Saint-Pétersbourg dirigé par pour les symphonies n°6 et 19 aux couleurs russes voire franchement soviétiques : la n°19 Mai joyeux composée en 1985 fait référence à la victoire de mai 1945 et elle a dans son introduction des accents qui évoquent la Leningrad de Chostakovitch. Quant au « poème festif » Les bannières de la paix, il a été écrit en 1986 pour le 27ème congrès du parti communiste, trois ans avant la chute du mur de Berlin. Une reconnaissance officielle en trompe-l'œil, Weinberg étant resté marginal dans une URSS pour le moins mal à l'aise avec cet artiste juif d'origine polonaise.

Il faut dire que les thèmes sur la question juive qu'il évoque n'étaient pas du tout du goût des autorités, tel le poignant largo de la Symphonie n°6 où le chœur de garçons évoque une maison détruite devenue un tombeau pour ses enfants. Le quatrième mouvement « Il y avait un verger » de la Symphonie n°8, avec son thème de violoneux traite de la misère qui affectait aussi bien les paysans, les tsiganes que les juifs. Et quand Weinberg célèbre la victoire de mai 1945, il place son œuvre sous les auspices de la poétesse Anna Akhmatova : « La Victoire est à notre porte / Comment recevoir cet hôte longtemps attendu ? / Les femmes soulèveront leurs bébés / Qui ont été sauvés de milliers de morts / Ce sera le  meilleur salut ».

La Symphonie n°8 est une magnifique découverte, et une des symphonies les plus personnelles puisque Weinberg fait référence à ses origines, lui qui ne reviendra en Pologne qu'une seule fois après avoir échappé à l'invasion nazie. Il y embrasse l'Histoire polonaise, à travers ses épreuves, ses inégalités sociales, les supplices infligés à la population pendant la guerre – dans le septième mouvement Les chiens de Varsovie, il établit un parallèle avec le traitement fait à ces animaux.

Face à la qualité de ces enregistrements et aux moyens déployés pour interpréter ces vastes œuvres, on regrette que les textes chantés, qui sont importants, ne soient pas reproduits ou au moins résumés de manière moins succincte.

Usant d'un langage musical plus accessible que dans ses pièces instrumentales – comme son ami Chostakovitch – et qui cherche même à plaire (Rhapsodie sur des thèmes moldaves, Bannières de la paix), la musique Weinberg bénéficie de chefs motivés par la cause qu'ils défendent et qui sont imprégnés du bon style. Ce qui n'est pas si simple, puisqu'il n'y a pas encore de tradition établie dans l'interprétation de ces œuvres. Si Thord Svedlund et l'Orchestre symphonique de Göteborg réalisent depuis plusieurs années un travail de grande qualité pour Chandos, on avouera avoir une préférence pour les teintes plus mates, les accents plus rêches, en un mot la compréhension idiomatique des musiciens russes et polonais. On attend la suite des publications (les Symphonies n°2, 6, 11, 12, 15, 17, 18 et 19 par Lande, et la n°9 par Wit) avec beaucoup d'intérêt.

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