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Un disque Schumann Dvořák à double face

Enregistrés à Londres à quelques jours d'écart avec la même distribution, ces deux concertos semblent toutefois faire le grand écart dans leur réussite tant l'un semble figé alors que l'autre vie et palpite plus franchement. Question d'inspiration ou d'entente chef soliste, on ne saurait le dire mais le résultat saute aux oreilles.

Le disque débute par le concerto de Schumann, dont la riche discographie a peut-être intimidé les interprètes, toujours est-il que leur exécution ne semble jamais se libérer d'une certaine rectitude précautionneuse, sans faute de gout mais sans passion, sans surprise (est-ce encore possible ?), et qui du coup ne capture pas l'attention instantanément. En fait il faut attendre le finale et son franc vivace pour cela mais avant il faut être plus patient avec les deux premiers mouvements qui peinent quelque peu à s'affirmer, cherchant leur ton sans vraiment le trouver. On peut d'ailleurs légitimement se demander si le pianiste et le chef ayant une vision au départ éloignée de leur interprétation, n'avaient pas trouvé ce chemin médian pour s'accorder, au prix d'un « ni-ni » expressif qui banalise franchement leur version face aux meilleures réussites de la discographie. L'Allegro affetuoso est, comme souvent, le plus pénalisé par cette approche, ce mouvement n'étant pas si facile et ne coulant rarement de source tout seul. Il faut une direction affirmée alliée à un inspiré sens des nuances pour lui donner toute sa force de conviction, et on sent bien ici, chez le pianiste comme chez le chef, un réel déficit sur ce point. L'Intermezzo fonctionne mieux sans être renversant, et seul le finale, grâce à son tempo allant fort bien choisi, réussit à relancer constamment le discours et à finir ce concerto sur une note plus emballante.

Point d'hésitation en revanche face au concerto de Dvořák, qui se déploie ici avec une franchise de ton immédiatement perceptible, qui se relâchera jamais jusqu'à la fin de l'Allegro con fuoco. On donnera bien volontiers crédit au chef ce surplus d'évidence et de naturel sans doute inscrit dans ses gènes tchèques, mais le pianiste suisse n'a ici rien à lui envier, à moins qu'il ait été entrainé dans son sillage par le chef. On ne s'en plaindra pas car le résultat est là, cette fois-ci on tend l'oreille dès les premières mesures, on reste attentif au dialogue bien huilé entre piano et orchestre, on retient son souffle dans les subtils passages lyriques dont un superbe et chantant Andante sostenuto qui montre à son meilleur, on est emporté dans les agitato et con fuoco qui parsèment l'œuvre. On ne pinaillera pas, venant après un Schumann à la flamme bien vacillante, ce Dvořák droit, vivant, nuancé, intéresse constamment et rejoint à l'évidence les bonnes versions d'un catalogue pas si encombré que pour son concurrent germanique. Pour reprendre l'expression usitée jadis au temps du vinyle, voila un disque qui vaut surtout pour sa face B.

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