Ceux qui apprécient les qualités affichées par le pianoforte et par une interprétation rigoureuse de la musique préromantique et romantique dégusteront un pur moment de félicité à l'écoute de deux sonates pour violon et piano de Ludwig van Beethoven : la Sonate en la mineur, op. 23, n° 4 et la Sonate en fa majeur, op. 24 n° 5 dite « Le Printemps ». Un second CD nous permet de découvrir une partie peu fréquentée du répertoire conçu pour ce duo au cours des années 1799-1801. Les pièces de Beethoven étaient tout à fait contemporaines des productions retenues de Johann Baptist Cramer, Anton Eberl et Franz Xaver Kleinheinz. Est-il vraiment nécessaire de souligner le fossé stylistique existant entre les œuvres universelles de Beethoven et celles plus datées de ses collègues, doués certes, mais indiscutablement moins géniaux et largement redevables de la période précédente, celle du classicisme viennois. Si l'interprétation de Beethoven se caractérise par une certaine austérité, un manque d'émotion et une rigidité interprétative, l'exécution des autres pièces, bien moins connues, semble poser moins d'interrogation quant à la carence de coulant, de rondeur, de beauté intrinsèque.
Néanmoins, le travail présenté par Nicole Tamestit (violon) et Pierre Bouyer (pianoforte) s'avère en adéquation avec les qualités de leurs instruments et leurs choix interprétatifs. L'un et l'autre totalisent de nombreuses réalisations soulignées positivement par bien des commentateurs et auditeurs. Leurs enregistrements constituent une intéressante invitation à faire connaissance et à découvrir un répertoire majoritairement entendu autrement. Avec eux, devient possible une immersion passionnante dans l'ère beethovénienne et péri-beethovénienne alors que le piano n'avait pas encore partout détrôné le pianoforte et que l'exécution de la majorité des partitions de musiques de chambre s'attachait à ne pas s'éloigner d'une sévérité consentie, d'une sobriété acceptée voire d'un ascétisme cultivé.