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Les concertos pour piano de Brahms à huit mains

Les deux concertos pour piano de Brahms font partie des grandes œuvres du répertoire, largement jouées en concert et gravées au disque. Pourtant si chacun croit bien les connaitre, cette version pourraient bien apporter un éclairage nouveau du plus vif intérêt. En effet, la gestation des ces œuvres avait demandé à Brahms beaucoup d'efforts et de temps. Le premier concerto fut en fait initialement une Sonate pour deux pianos à quatre mains. Par la suite, et après publication du concerto définitif, l'éditeur demande à l'auteur une réduction que Brahms accepte à contre cœur, prétextant que même quatre mains sont insuffisantes. C'est un ami de Brahms, Theodor Kirschner (1823-193) qui réalise une version pour deux pianos à huit mains. La présente version s'inspire de cette vision, mais le deuxième piano est remplacé par l'orgue, plus orchestral. Même démarche pour le concerto n° 2, transcrit par Paul Fiodorovitch Juon (1872-1940).

L'enregistrement a été réalisé dans la cathédrale d'Angers, le piano au pied du grand orgue. Grâce à un système audio-video sophistiqué, les artistes se retrouvent reliés, en situation de concert, l'orgue jouant le rôle de l'orchestre, avec leurs organistes à la console, en tribune. La palette sonore de l'orgue d'Angers de type symphonique convient parfaitement aux couleurs de la musique de Brahms. Autre approche, autre écoute ! On ressent là un mariage heureux, certes connu depuis longtemps. la corde pincée du clavecin, le marteau du piano, autant de sons à percussion, à durée courte qui se mêlent avec harmonie et complémentarité avec le son continu de l'orgue. Ces deux types d'instruments ont toujours collaboré avantageusement, depuis le clavicymbalum des baroques, jusqu'aux harmoniums et pianos, couple indispensable d'instruments dans les salons romantiques raffinés. On se souvient notamment de Rossini et de sa petite Messe solennelle.

L'interprétation est pertinente à plus d'un titre. Le piano, joué à quatre mains, occupe d'avantage d'espace et de lisibilité, sans que l'orgue ne l'écrase. Les jeux de fond largement utilisés soutiennent et commentent à armes égales le discours des pianos. Tout est lisible, limpide, grâce à une prise de son très équilibrée et que l'on imagine délicate à mettre au point. Ce qui est remarquable, c'est justement que le piano n'est pas trop « percussion » et au contraire, chante largement. L'orgue lui, participe activement, autrement qu'en simple accompagnateur ou remplisseur de sons, et sait se montrer vif et percutant quand la musique le demande.

Déjà remarquée lors d'un précédent CD consacré à Liszt avec Laurent Cabasso et dans ce même lieu, la formule fait mouche ! On pourrait rêver de bien d'autres adaptations du même genre, mais celle-ci, préparée dès l'époque de Brahms, se montre d'une efficacité totale.

Le quatuor d'artistes ainsi réunis avec leurs huit mains, proposent une vision engagée et inspirée, capable de rivaliser avec les grandes versions de ces œuvres, même si la lumière qui s'en dégage est autre. C'est le signe d'une musique de génie, capable de se renouveler sous d'autres habits.

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