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Jeunes pianistes à la folle nuit à Gaveau

Le jeudi 24 à 19h, propose un programme croisé entre Alkan et Chopin. Excepté la Polonaise-Fantaisie de Chopin et le Scherzo-focoso d'Alkan, ce sont toutes des pièces assez courtes qu'elle joue en alternance, dont des extraits des Impromptus op. 32 n° 1 et 2 et ceux du Deuxième Recueil de Chants op. 38 d'Alkan, ainsi que des Mazurkas, Nocturnes et Valses de Chopin. Elle nous fait ainsi découvrir un certain nombre de morceaux d'Alkan jusque-là très rarement joués, ce qui est un atout essentiel de ce récital.

A 21h, le russo-lithuanien Lukas Geniusas, 2e lauréat du Concours Chopin de Varsovie en 2010, donne l'intégrale des Etudes de Chopin, les op. 10 et 25. Il commence la première Etude en ut majeur de façon très guerrière, extrêmement virile, comme s'il lançait un défi au public. Il gardera ce côté belliqueux pour certaines pièces (notamment op. 25-10 et 12), mais montre aussi un grand lyrisme (op. 10-6, la cadence finale de l'op. 25-8, più lento de l'op. 25-5…) On remarque quelques originalités (crescendo suivi d'un decrescendo très nets à l'extrême fin de l'op. 10-7 ; notes rapides jouée avec détachement, voir indifférence, avant la formule répétée à la main gauche de l'op. 25-7 ; début feutré, presque étouffé, pour un crescendo tout au long de l'op. 25-12). Son interprétation, parfois assez conventionnelle, donne envie de l'écouter dans d'autres répertoires, classique en particulier.

Le 25 octobre à 19h, nous offre une heure d'émerveillement avec trois Sonates de Beethoven, « Pathétique » op. 13, « Marche funèbre » op. 26 et « Appassionata » op. 57. A travers sa technique irréprochable, son exécution dénote sa grande humilité devant la partition, c'est avant tout la sincérité de sa démarche musicale que nous entendons. Aucun « tape à l'oreille » inutile, aucun emportement émotionnel excessif, même aux moments les plus virtuoses comme le mouvement final de l'« Appassionata ». Il demeure donc très simple, mais c'est cette simplicité qui laisse transparaître sa solide lecture beethovenienne. En bis, une Bagatelle du même compositeur. Le récital de ce pianiste nous procure un sentiment de plaisir et une sensation de fraicheur, d'avoir entendu tout simplement de la bonne musique.

A 21h, une autre lauréate du dernier Concours de Varsovie (1er prix), la russe , joue Chopin et Prokofiev. Ses Chopin, que ce soit les Nocturnes (op. 15-1 et 2), la Ballade en sol mineur, ou les trois Mazurkas (op. 50), ou encore le Scherzo en si bémol mineur, nous paraissent un peu trop sentimentaux, avec beaucoup de rubato et des dynamiques constamment changeantes, ce qui ne favorise pas la stabilité, ni rythmique, ni mélodique. En revanche, elle a merveilleusement exécuté la Septième Sonate de Prokofiev ; il nous semble évident que son jeu est mieux adapté aux répertoires du 20e, voir du 21e siècle. Contrairement à ce qu'elle fait dans Chopin, elle fait preuve d'un sens rythmique extrêmement vivifiant, d'autant que la force corporelle est mieux distribuée. Comme Lukas Geniusas, il serait intéressant de l'entendre dans un autre répertoire.

Photos : Lukas Geniusas © DR ; © Harald Hoffman

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