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L’art de jouer Mozart et Beethoven sur un pianoforte

Un récital de pianoforte est en général assez rare, et encore plus à l'Auditorium du Louvre. L'interprète sud-africain y vient combler cette lacune avec un programme Mozart et Beethoven, sur un instrument Beunk-Wennink, copie d'un Conrad Graf fait à Vienne en 1824. Ce pianoforte est donc assez tardif par rapport aux dates de composition des pièces jouées ce soir-là, mais sa sonorité perlée, brute mais précieuse, va de pair avec le caractère épique de ces Sonates.

Cependant, au premier morceau, la Douzième Sonate en fa majeur de Mozart, il fallait faire quelques efforts avant que nos oreilles s'habituent à cette sonorité, d'autant que les tessitures basses sont assez robustes comparées aux aiguës plutôt délicates.

Bezuidenhout a une approche très différente par rapport à une interprétation « moderne » sur un Steinway ou un Yamaha de concert : il ne met pas l'accent sur la confrontation de diverses forces (physique, interprétative, imaginative…) sur le clavier, mais tend d'abord à établir une harmonie, à l'intérieur de laquelle s'opèrent des oppositions. Cette conception est particulièrement audible dans les deux Sonates en mineur (K. 457 de Mozart et la « Pathétique » de Beethoven). Sous ses doigts, les deux mouvements extrêmes de ces deux pièces, sérieux, dramatiques, voire tragiques, ne donnent pas l'impression d'une violence abrupte, mais de quelque chose de très théâtral, contrôlé, une sorte de conflit intérieur extériorisé avec ordre, et ce, sans aucune affectation.

Pour Mozart, il joue la reprise de l'exposition avec de légers ornements (et aussi parfois dans les parties du développement et de la réexposition) ajoutant un parfum élégant hérité du baroque. Dans certains passages où il se sert de la pédale gauche, avec laquelle le son est nettement étouffé, la différence de sonorité est telle que cela suscite une sensation étrange ou irréelle (comme les parties lentes du premier mouvement de la « Pathétique ») ; mais à d'autres moments, cette différence est à peine audible (« Adagio » de K. 457).

La légèreté aérienne de son jeu semble bien adaptée à ce répertoire et à l'instrument, sans priver la musique de ce côté dramatique.

En bis, le mouvement lent de K. 545 de Mozart, pour terminer avec douceur.

Crédit photographique © Marco Borggreve

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