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Avec Salvatore Sciarrino

« Je crois que, avec la musique, nous pouvons atteindre à une révélation du naturel en dehors de résidus sentimentaux, et être introduits à une véritable écologie de l'écoute ». Extraite d'une conférence donnée à Rome en 2004, cette déclaration de (né en 1947) est au coeur du propos de Silences de l'oracle.

Centré sur l'oeuvre du compositeur italien, cet ouvrage dirigé par Laurent Feneyrou est le fruit du colloque intitulé Lieux, milieux et horizons du son. Vers une écologie de l'écoute, qui s'est tenu au CDMC en mars 2013 en présence de Sciarrino; c'est aussi la première publication, conséquente autant que passionnante, qui paraît en France sur le compositeur sicilien. Elle réunit les neuf communications du colloque mais aussi des écrits du compositeur, la plupart inédits, qui ont été traduits de l'italien par Grazia Giacco et Laurent Feneyrou; à l'instar de la « forme à fenêtres » chère à Sciarrino –  là où l'espace interagit avec le temps – les propos du compositeur répercutent ceux des musicologues, philosophes, hommes de lettres – qui ont approché sous des angles divers la pensée sciarrinienne – et offrent un autre espace de réflexion. Des dialogues avec le compositeur menés par Jean-Christophe Bailly et Jackie Pigeaud lors des journées d'étude articulent les trois grandes sections de ce livre.

Bien avant que l'on commence à débattre des notions d'écologie du son et de l'écoute, (lire l'entretien donné à ResMusica), tournant le dos « aux dogmes du sérialisme et de l'inexpressivité », cherchait dès 1962 à intégrer dans son écriture le souffle, la respiration, « ces signaux corporels qui appartiennent à la physiologie humaine ». « Présenter ma musique, dit-il dans le chapitre Son et silence, c'est d'abord décrire l'expérience d'écoute particulière qu'elle propose […] mais pour écouter, il ne suffit pas de sortir du vacarme; l'esprit doit se taire […] . L'écologie de l'écoute, c'est ce chemin que chacun de nous peut accomplir en purifiant son esprit ».

Au fil du propos, nous pénétrons plus avant dans certaines oeuvres emblématiques du compositeur comme Studi per l'intonazione del mare (appartenant au « triptyque des masses »), ses opéras Cailles en sarcophage, Persée et Andromède, Macbeth ou encore Vanitas, une oeuvre qui gravite autour du concept du vide, là où s'ouvre l'espace de la mélancolie sciarrinienne. Laurent Feneyrou lui consacre un chapitre dans la dernière partie de l'ouvrage.

Des parallèles sont établis entre « les images » de Sciarrino et les arts visuels; une réflexion est menée sur les notions, osmotiques chez le compositeur, du temps et de l'espace, du son et du silence, et la manière si singulière qu'il a de se rapporter à la nature et au monde (végétal, minéral, animal et humain): « Je suis ici et maintenant: qu'est-ce que j'entends? Toutes mes compositions viennent de cette question ».

D'une extraordinaire richesse d'approches, ce livre édité par le CDMC nous ouvre à l'univers sonore d'un des créateurs les plus fascinants de notre temps.

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