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Gustavo Dudamel face à Richard Strauss et la Philharmonie de Berlin

Le Zarathoustra présenté ici a été enregistré à la Philharmonie de Berlin juste avant la tournée européenne dirigée par , qui, le 5 mai, passait par la salle Pleyel, alors que Till et Don Juan ont été captés l'année suivante. Ces trois poèmes symphoniques furent parmi les piliers du répertoire de l'orchestre à l'époque Karajan, sans compter les innombrables exécutions des deux plus courts du temps de Furtwängler. Abbado et Rattle, leurs successeurs à Berlin, n'en ayant pas vraiment fait leur pain blanc, c'est donc la nouvelle génération qui prend le relai, avec un possible successeur de Rattle, en la personne du populaire chef du Los Angeles Philharmonic Orchestra.

Il y a deux façons de prendre ce disque, soit comme une photographie de l'art de l'encore jeune chef qu'est , soit de le mettre en perspective de la discographie de ces poèmes symphoniques. Pour la première on renverra le lecteur vers notre compte-rendu du concert Salle Pleyel, en résumant qu'en concert la performance de ce fabuleux orchestre reste toujours impressionnante dans ce répertoire. L'écoute plus distanciée du disque en amoindrit l'effet, devenant plus exigeante quant à la cohérence de la conduite du discours et la place de chaque détail dans un tout sans faille. Malgré sa belle affiche, ce nouvel enregistrement redevient plus banal, de bon niveau symphonique évidemment, mais musicalement moins marquant.

Dans une perspective plus discographique, et si on se « contente » simplement des deux chefs des Berliner Philharmoniker comme étalon, Furtwängler et Karajan, la comparaison devient sans appel. Les nombreux Till Eulenspiegel et Don Juan du premier avec leur extraordinaire esprit narratif porté par une puissance expressive et une virtuosité d'orchestre superlative s'écoutent et se réécoutent sans lasser, face à la nouvelle venue qui elle, « s'écoute » un peu trop parfois, manque de tension et de continuité dans l'enchaînement des épisodes et fait parfois preuve d'une certaine raideur mécanique là où l'évidence et le naturel coulait à flot chez  Furtwängler. Presque même constatation face aux Zarathoustra berlinois de Karajan (enregistrement audio DG 1973 ou vidéo Sony 1987), où la sensation d'un poème symphonique s'écoulant d'un seul jet, d'une seule coulée, malgré l'enchaînement d'épisodes fort différents, est bien plus évidente chez l'aîné que chez le cadet. Et malgré ses qualités exceptionnelles, l'orchestre ne retrouve pas ce son si magiquement straussien qu'il avait cultivé, peut-être trop d'ailleurs pour d'autres répertoires, avec Karajan, capable transporter l'auditeur sur des vagues de sensualités irrésistibles, que le son, peut-être plus précis mais aussi plus sec, offert sous la baguette de ne permet plus de percevoir, amenuisant une dimension essentielle de cette musique, le pure plaisir jouissif du son d'un grand orchestre.

Relativisons quand même, on vient de comparer un chef qui a encore tout l'avenir devant lui avec des légendes de la baguette au sommet de leur art, forcément ça pèse dans la balance. Alors si on veut savoir de quoi est capable Gustavo Dudamel on conseillera son présent Don Juan, nettement le meilleur morceau de ce nouveau CD, et si on s'intéresse avant tout à , on restera fidèle aux incontournables et habituelles références.

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