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Rencontre attractive avec Tezlaff, Chailly et Vienne

Le Théâtre des Champs-Élysées proposait un joli programme en ce dimanche soir de janvier avec le toujours trop rarement programmé sous nos contrées, Sibelius, même s'il était représenté par deux de ses œuvres les plus populaires, et une des moins fréquentées des symphonies de Bruckner, en l'occurrence la sixième.

En confiant les manettes du Philharmonique de Vienne à qu'on n'a pas si souvent entendu à la tête de cette légendaire formation, et en convoquant avec lui un des plus intéressants violonistes du moment, les programmateurs ne pouvaient qu'attiser notre intérêt, apparemment partiellement partagé seulement par le public parisien  qui, comme la veille, n'avait pas entièrement rempli la salle.

L'analogie avec le concert de la veille s'arrêtait d'ailleurs à ce simple constat numérique car la partie musicale y fut presque la contraposée. Car si Mariss Jansons dosait tous les équilibres musicaux et sonores avec un soin d'orfèvre et un art majuscule, au prix d'une certaine et épisodique réserve expressive, , peut-être moins familier des lieux, engageait plus vigoureusement les forces des Philharmoniker au point de faire hurler ses cuivres et même ses cordes, rendant l'orchestre quasi méconnaissable, du moins dans ses tutti, montant le niveau acoustique au taquet trop souvent et trop longtemps, l'empêchant de donner le décisif sursaut d'intensité au sommet des climax. Si la partie Sibelius en fut quasiment épargnée, la symphonie de Bruckner prit de plein fouet ce surplus de décibels et ne s'en sortit pas intacte.

Mais c'est avec un réjouissant Finlandia que débuta le concert. La direction vive et alerte du chef emmena ce poème symphonique emblématique de son pays d'origine vers un horizon plus classique sans couleurs ni climats spécifiquement nordiques. L'œuvre n'en souffrit nullement et joua parfaitement son rôle d'ouverture de concert et montra le Philharmonique à son meilleur. Après cette enjouée ouverture le ton se fit plus sérieux pour le concerto pour violon, sans jamais devenir austère ou sévère. Il faut dire que nous en offrit une interprétation tout sauf classique, où l'inspiration et la souplesse l'emportait sur la rigueur métronomique et dès sa première intervention on sentit qu'un vent de liberté quasi rapsodique allait souffler sur les phrasés et le rubato. Ne le nions pas, cette vision engagée prend le risque de ne pas faire l'unanimité ni de convaincre de bout en bout. Pour notre part nous nous sommes laissés emporter par le violoniste, attendant alors qu'il nous surprenne à chaque recoin de la partition. Si cela fonctionna plutôt bien dans tout le premier mouvement, le mouvement lent nous sembla certes joliment chantant mais plus banal d'inspiration alors que l'Allegro ma non tanto conclusif fut un cran en dessous, trouvant d'ailleurs en difficulté de justesse et de vélocité par endroit. Par contre aucune baisse de tension ni d'intérêt pour la partie orchestrale qui resta constante d'un bout à l'autre, aussi belle dans les interventions solistes que dans les tutti, où le chef trouva un bel équilibre entre l'attention aux détails et la grande ligne. Reprenant son souffle offrit en bis un Largo de la Troisième Sonate de Bach idéalement lent mais constamment tendu qui mit la salle en apnée pour ces quelques minutes littéralement magiques.

Augmentant l'effectif pour passer aux 60 cordes habituelles pour ce répertoire, le chef perdit le superbe équilibre qu'il avait trouvé jusqu'ici, brouillant quelque peu le message musical. Néanmoins il parut évident que avait choisi son camp, favorisant clairement vigueur et exaltation plutôt que lyrisme et hédonisme sonore. Usant de francs changements dynamiques évacuant tout suspens dans les transitions, marquant nettement le rythme plus que la pulsation quitte à perdre en beauté sonore comme ce début où les violons sonnèrent si crument qu'on imaginait aisément des coups de scies illustrant une nouvelle d'Edgar Poe ou le meurtre sous la douche dans Psychose, le chef imprima, avec une constance sans faille, un caractère droit et volontaire à cette symphonie qui du coup manqua à nos oreilles de nuances et de progression. Sans doute, comme évoqué plus haut, fallait-il entendre cette version dans d'autres conditions acoustiques pour en profiter pleinement, mais tel quel, c'est un sentiment d'inachevé qui nous étreignit à la fin de la symphonie, pas forcément partagé par tous si on en croit les vigoureux applaudissements qui saluèrent cette interprétation.

Crédit photographique : Riccardo Chailly  © Sasha Gusov -DECCA

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