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A Nanterre le Cabaret Contemporain rend hommage à Moondog, le Viking de la 6e Avenue

Personnage un rien étrange et compositeur iconoclaste, Louis Thomas Hardin alias – un pseudo qu'il choisit en hommage à son chien qui hurlait à la lune – est mieux connu depuis l'ouverture en 2010 du site que lui consacre Amaury Cornut, qui signe également une biographie de l'artiste aux Editions Le mot et le Reste (à paraître). Aveugle depuis l'âge de 16 ans, est percussionniste, musicien de rue et poète à New York où il fréquente les milieux du jazz (Charlie Mingus, Dizzy Gillespie, Charlie Parker) et les grands noms de l'univers classique comme Leonard Bernstein, Steve Reich, John Cage, Arthur Rodzinski ou Igor Stravinsky. est fasciné par l'écriture de Bach qu'il étudie avec passion, adoptant à son tour le contrepoint et surtout le procédé du canon. Son art à la croisée des chemins, entre pratique populaire et langage savant, retient bien évidemment l'attention des cinq musiciens du Cabaret Contemporain qui se sont donnés pour mission d'aller vers le public en brisant les frontières entre les genres et les styles. Dans la grande salle de la Maison de la Musique de Nanterre, ils rendaient hommage au « Viking de la 6e avenue » en invitant sur le devant de la scène deux chanteuses suédoises Linda Olah et Isabel Sörling, assises face à face, dont le charme et la sensualité des voix opéraient très finement dans un spectacle superbement réglé.

Les chansons entendues ce soir n'étaient pas des réinterprétations de la musique de Moondog mais proposaient plutôt une rencontre avec son univers que les musiciens explorent depuis plusieurs années: une musique répétitive qui engendre des boucles rythmiques sur lesquelles évoluent très librement les voix légères de nos deux chanteuses souvent en canon (Trees against the sky). Avec des instruments préparés – le piano mais aussi les contrebasses – un pupitre de percussions très sollicité et l'aura discrète d'une guitare électrique, les musiciens font naître un environnement sonore très coloré, souvent bruité, à la faveur de modes de jeu très diversifiés et plein de fantaisie (My tiny butterfly). Moins répétitive mais particulièrement swinguante et ménageant des « break » très sonores, la chanson Paris sera reprise en bis. Dans la chanson suivante, les deux chanteuses quasi solistes s'inspirent des chants Inuit qui mêlent souffle et chuintement sur une base rythmique très énergétique, donnant la mesure de leur talent d'improvisateur. La version d'Enough about est pleine de charme sur ses six notes fragiles de piano; doucement fredonnée, elle laisse le champ libre à toutes sortes d'interventions instrumentales bruyantes autant qu'insolites dont on ne détecte pas toujours la provenance. Avec des chansons à plus haut voltage, la soirée se terminait dans une « transe » rythmique et sonore très communicative, donnant libre court à l'énergie du geste et à l'imagination féconde de ces artistes accomplis.

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