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Londres : Panufnik et Dvořák à la conquête du Nouveau Monde

Que se passe-t-il lorsque la musique d'un Polonais en exil au Royaume-Uni au début des années cinquante côtoie l'une des plus célèbres symphonies du XIXe siècle, écrite en hommage au Nouveau monde ?

A ce programme rassemblant et Antonin Dvorak, le LSO a donné une saveur particulière que même le trafic londonien, qui retardait — obligeant ainsi à un réaménagement de l'ordre du programme —, n'a pas altérée. Tout au contraire, si l'enchainement traditionnel du concert symphonique a été quelque peu bousculé, le public n'en a que plus apprécié l'ampleur et l'opulence mystique de la Sinfonia Sacra de Panufnik qui a ouvert la soirée : l'appel des trompettes dispersées aux quatre coins de l'orchestre, comme dans l'Orfeo de Monterverdi, semblait solliciter notre attention, cédant rapidement la place à l'élégie éthérée des cordes. Les gestes gracieux du jeune chef ont conduit avec précision les multiples ricochets rythmiques distribués sur tout l'orchestre : cela ne fait aucun doute, la musique de Panufnik, grâce à l'interprétation engagée du LSO, nous empoigne dans son élan tentaculaire jusque dans l'exaltation du crescendo final. Dans un style très différent, Lullaby, pièce du même compositeur pour vingt-neuf instruments à cordes solistes, n'a pas manqué de surprendre le public : la mélodie sucrée des quatre chefs d'attaque, rappelant une danse viennoise, se trouvait plongée dans un univers ouaté et lointain, comme empêtrée dans une pâte mielleuse et collante qu'évoquaient volontiers les grandes traînées en glissando exécutées par les autres instrumentistes.

La Symphonie du Nouveau Monde de Dvorak est venue remédier à cette atmosphère musicale légèrement angoissante. La souplesse et la tendresse avec lesquelles les instrumentistes ont interprété l'œuvre, comme un clin d'œil discret au déhanchement des negro spirituals, ont permis d'éviter toute lourdeur et toute surcharge émotive. Concluant le concert, le Concerto pour violon de Dvorak a paru paradoxalement plus effacé. Malgré l'inimitable volupté du jeu d', portée par un vibrato généreux qui sied si bien à ce répertoire de la fin du XIXe siècle, le fait que la violoniste se trouvait très reculée par rapport à l'orchestre la rendait invisible pour une partie du public. Et le résultat sonore s'en est malheureusement ressenti. Il n'en reste pas moins qu'elle fut acclamée par le public, telle la vedette d'une soirée que même la grève des transports londoniens n'est pas parvenue à gâcher.

Crédit photographique :  Harrald Hoffmann/ DG

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