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Pari gagné pour Le Joueur de Prokofiev par Gergiev

Bien sûr, le roman de Fiodor Dostoiëvski inspira à Serge Prokofiev l'opéra en quatre actes Le Joueur qu'il écrivit au cours des années 1915-1916 et remania en 1927.

La création se déroula au Théâtre de la Monnaie de Bruxelles en 1929. Le chant apparaît sous forme de récitatifs finement modelés sur les intonations de la parole. C'est dire si, globalement, la mélodie est muselée même s'il arrive que certaines tournures rappellent des chants populaires russes (notament dans les parties réservées à Babulenka). L'orchestre de son côté s'avère rude, voire violent, truffé de dissonances annonçant un expressionnisme plus marqué, à voir. L'ensemble enchaîne avec un dynamisme et un tonus quasi ininterrompu, le texte s'y prête formidablement, des sections mordantes, des passages sarcastiques, des rythmes effrénés, des airs ironiques ou espiègles, des couleurs brutes… Tous ingrédients auxquels, assez rapidement, on s'habitue puis adhère en totalité.

Il convient de spécifier combien les protagonistes de la version jouée au Théâtre Mariinsky en juin 2010 bénéficiaient de l'ensemble des atouts réliés à Prokofiev. L'Orchestre du Mariinsky, personnage de l'opéra à part entière, sous la direction survoltée de , fait merveille et plus qu'accompagner les chanteurs. Ces derniers, aidés par une mise en scène fluide, mobile et adroite, affichent, sous les traits bien dessinés de leurs tempéraments, un jeu et un art vocal de premier plan. Le Général, joueur, hâbleur et roublard, convainc rapidement, tout comme le personnage à facettes de la riche tante, dont il espère la fin prochaine, tour à tour odieuse et misérable. Quant à Alexeï, il porte sur ses épaules déboussolées les clés du succès de l'opéra. Les autres rôles, Paulina en tête, belle-fille du général et largement bringuebalée par les aléas de l'existence, sont parfaitement campés. Tous œuvrent pour nous transporter dans l'univers du grand écrivain pré-freudien, du fameux musicien, de la Russie tsariste, bientôt pulvérisée par la Révolution. Un  spectacle vigoureux où circule une énergie inépuisable.

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