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Bach par Staier : un Everest par la face nord

Cette année, la « Bachfest » dijonnaise offre d'emblée à ses aficionados le plaisir d'entendre un chef d'œuvre impressionnant du Kantor de Leipzig : une heure et vingt minutes de variations sur le même schéma harmonique que sont les fameuses variations dites « Goldberg », du nom de l'élève de Jean-Sébastien Bach qui les joua maintes fois à son maître insomniaque. L'honneur de son interprétation revient au méticuleux et réfléchi , et sa prestation sera retransmise par France Musique le 27 mai.

Il fallait certes choisir pour ce challenge un clavecin à deux claviers, mais aussi un instrument sonore qui puisse trouver sa place dans la grande salle de l'Auditorium. La copie d'un clavecin Mietke par Christoph Kern a parfaitement rempli les conditions requises : tout d'abord celle de la puissance, mais aussi celle de la différenciation des jeux sur les deux claviers, ce qui fait ressortir l'écriture contrapuntique. En outre, la sorte de sécheresse du jeu luthé va  permettre de souligner la structure d'ensemble de la pièce.

En effet, insiste sur la coupe en deux parties de l'ensemble en  pratiquant une rupture de timbre qui met en valeur en même temps des différences d'écriture : il met la première variation en mineur, la quinzième, en relief avec le jeu de luth, qui renforce l'aspect étouffé de cette sorte de rêverie contrapuntique et lente. Ainsi se conclut cette première partie, dans un tempo similaire à l'exposé du thème initial. Puis il enchaîne avec le début de la seconde, avec la seizième variation, qui apparait comme une toccata dans un tempo brillant avec une sorte de « plein jeu ».

La virtuosité de l'interprète est souvent éblouissante, notamment dans les mouvements rapides qui utilisent des croisements de mains comme c'est le cas de la variation quatorze ou la variation vingt ; les deux claviers avec des jeux différents, changés bien à propos, permettent une plus grande lisibilité de l'écriture. Grâce sans doute à l'ornementation recherchée du claveciniste, des dissonances rendent celles-ci plus sophistiquée ; l'accord spécifique de l'instrument doit pimenter en quelque sorte l'harmonie qui est, somme toute, assez répétitive.

sait aussi nous faire percevoir la progression dans la complexité et l'inventivité de ce monument musical tout de même austère. La première partie apparait comme étant assez conventionnelle avec ses danses, ses trios, ses inventions et ses canons périodiques. En revanche, la seconde éblouit par son chromatisme, ses superpositions rythmiques délirantes comme celles que l'on trouve dans la variation vingt-six. Heureusement, la variation vingt-cinq apporte un moment de pur bonheur mélodique, ce qui fait le pendant de sa sœur la quinzième car elle utilise le même jeu de luth.

Après l'étalage de ce grand art, retour à une fausse simplicité : le « Quodlibet » de la trentième variation fait l'effet d'un choral apaisé qui nous ramène à la maison, c'est-à-dire au thème initial. Andreas Staier boucle le cycle en suggérant une sorte de retenue dans cette aria, grâce à un délicat rubato plein d'élégance.

Crédit photographique : Andreas Staier © Josep Molina

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