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Excursion alpestre exaltante avec Strauss et Harding

Longtemps mal aimée,voire maltraitée, la Symphonie alpestre profite à présent d'un accueil sympathique permettant aux meilleurs orchestres de briller et de fasciner et à la réputation parfois dévaluée d'un Strauss pompeux et stérile de démontrer son intelligence de l'art orchestral et dans une certaine mesure l'étonnante pérennité et pertinence de son écriture.

« La Symphonie des Alpes, op. 64, écrite entre 1911 et 1915… [avec] son inspiration élevée […] plus proche du poème symphonique que de la symphonie, relève d'une sorte de panthéisme naturaliste… », nous précise Dominique Jameux dans sa précieuse biographie parue dans la fameuse collection Solfège en 1971. Si ce dernier parle de « régression », André Tubeuf (Actes Sud, 1980) ajoute que l'œuvre « ne fera plus que monumentaliser, de façon peut-être inutile, le pittoresque, le paysage (mais sans le coloris) dont s'émerveillait déjà la juvénile suite Aus Italien. » Certes, mais en dépit d'un effectif gigantesque incluant une machine à tonner, une machine à vent et un orgue et en dépit d'un progamme détaillé, cette ambitieuse fresque fourmille à la fois d'élans épiques appuyés, de trouvailles instrumentales percutantes et d'une certaine naïveté, tous susceptibles d'entraîner les auditeurs dociles vers l'impressionnante nature, les épisodes crescendos dramatiques et les accalmies bienvenues. Exercice de virtuosité ? Sans doute. Et si la symphonie apparaît comme « insupportable » à Antoine Goléa, la postérité semble n'avoir pas validé son pronostic : « l'œuvre est à juste titre tombée dans un oubli à peu près total. » (Flammarion, 1965).

En tout cas, des chefs d'orchestre de la trempe  du compositeur lui-même, de Karl Böhm (DG), Rudolf Kempe (EMI) et plus récemment David Zinnman (Arte Nova), et bien d'autres encore, ont montré et démontré les qualités narratrices indéniables de cette musique. Le Britannique (né en 1975, par ailleurs ancien assistant de Simon Rattle à Birmingham et de Claude Abbado à Berlin) dynamise le , excellente formation japonaise au travail depuis 1984 et dont l'intitulé entretien la mémoire de Hideo Soito, grand pédagogue et mentor vénéré de  Seiji Ozawa. Leur interprétation réussit à lever les doutes en trouvant une voie moyenne salutaire entre la pure démonstration virtuose déshabitée et  la mièvrerie insipide et vaine.

Une remarquable lecture donc qui aidera certainement à réhabiliter davantage encore cette Symphonie alpestre créée avec succès il y a presque un siècle à Berlin en mai 1915, en pleine guerre, par lui-même.

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