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Salamine de Maurice Emmanuel

Les disques Fy et du Solstice, avec l'INA, nous proposent une véritable curiosité : Salamine, tragédie en trois actes de d'après Les Perses d'Eschyle, commande de l'Opéra de Paris, créée avec succès en 1929.

Un objet lyrique non identifié, qui tient à la fois de la tradition de la tragédie lyrique à la française et de la reconstitution du théâtre antique. L'attrait de pour la modalité, qu'elle soit folklorique, médiévale ou antique (il a été un des premiers  à prouver les liens entre ces langages musicaux) est une constante de son style, dès son premier opus, la Sonate pour violoncelle et piano (trop modale au goût de son professeur Léo Delibes). Ses recherches sur la musique de la Grèce antique le conduisent au doctorat, c'est naturellement qu'il répond à une commande de l'Opéra de Paris par une oeuvre reprenant un des grands textes du théâtre antique.

A vrai dire, cette Salamine a bien mal vieilli. La traduction d'Eschyle par Théodore Reinach est digne de figurer dans un Lagarde et Michard (c'est l'époque), dans le texte tout n'est qu'emphase. Mis à part l'ouverture, remarquable par son orchestration, et la déploration finale (ou plutôt thrène), le reste de la partition veut suivre la construction du théâtre grec antique : récits parlés, cantilènes, syllabisme, choeurs à l'unisson. Tout cela crée une certaine monotonie, augmentée par la mauvaise qualité de la bande sonore qui vraisemblablement n'a pas été retravaillée. Toutefois replacée dans son contexte l'oeuvre est d'un modernisme remarquable, proche de Honegger ou Milhaud, alors que son auteur – âgé en 1929 de 67 ans – est un contemporain de Debussy.

Cette parution discographique permet de lever le voile sur un pan encore trop méconnu de notre patrimoine musical et de raviver quelques témoignages du chant français d'après-guerre, avec les personnalités de Jean Giraudeau, André Vessières ou Lucien Lovano. Toutefois Salamine serait digne de bénéficier d'une représentation (au moins en concert) et d'une captation. A condition qu'un programmateur en ait le courage (ni Radio France ni le Festival de Montpellier n'osent maintenant donner ce répertoire) et que l'éditeur reconstitue la partition, une partie du matériel d'orchestre étant introuvable. Un comble pour une oeuvre du XXe siècle.

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