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Jean-Claude Malgoire fête Rameau au Québec

Ce concert fut entièrement consacré à l'œuvre de afin de souligner le 250e anniversaire de la mort du compositeur. Pour ,  architecte et maître d'œuvre de la soirée, c'est une histoire d'amour ininterrompue depuis près de 50 ans. Il enregistra à partir des années 70 pour CBS, les intégrales de plusieurs opéras du compositeur dijonnais. Grand connaisseur de la musique française du XVIIIe siècle,  époque troublée s'il en fut et pas seulement par les querelles d'ordre esthétique et politique, nul ne connaît mieux que lui l'œuvre considérable et prolixe de Rameau. Sa musique est raffinée, galante et d'une variété inouïe. Sans doute le plus grand compositeur français de tous les temps, affirme . Théoricien de l'harmonie classique mais jamais indigeste pour l'esprit, il se faisait un devoir de cacher l'art par l'art même. Au programme, des extraits de la tragédie lyrique Hippolyte et Aricie, d'un opéra-ballet Les Indes galantes et d'une comédie lyrique, Platée.

L'Harmonie des Saisons est une formation de musiciens qui a su s'adapter aux exigences, au style et à la manière d'interpréter Rameau. L'orchestre est redevable au travail du maestro Malgoire qui dirige d'une main experte les pages symphoniques des opéras au programme. Certains compromis furent sans doute nécessaires, mais le résultat est fort convenable. L'orchestre a du rythme, de l'entrain, les danses, menuets, rigaudons, passe-pied, musettes, nous soulèvent et nous entraînent.

Deux soprani, , voix seyante, au timbre généreux, très sonore, d'un ambitus équipollent du grave à l'aigu sur tout l'étendu du registre. Des Indes galantes, retenons l'air d'Hébé tiré du Prologue, la voix est sonore et résonne aux premières paroles, « Vous, qui d'Hébé suivez les lois ». Retenons l'air de Phani, Les Incas au Pérou, « Viens, hymen, viens m'unir au vainqueur que j'adore. » De l'opéra Hippolyte et Aricie, un hors d'oeuvre en quelque sorte, l'ariette de la bergère, « Rossignols amoureux, répondez à nos voix… » les mêmes qualités de justesse s'y retrouvent, un style idoine, une bonne diction.

Toujours dans Les Indes galantes, la soprano nous donne une interprétation saisissante de l'air d'Émilie. La rondeur de la voix, les assises dans les graves, un chant très physique, qui la fait vivre pleinement son personnage. Idem dans son air de Clarine de l'opéra Platée. Mais il faudra attendre son incarnation de La Folie, « Aux langueurs d'Apollon. » C'est un volcan en pleine éruption, un feu d'artifice sonore, des vocalises qui fusent, des graves tonitruants qui se tordent, bref, toute la palette du registre est sollicitée.

Quatrième Entrée. La Danse des Sauvages provient des Nouvelles suites de pièces de clavecin (1728). Le clavecin, tenu par Éric Milnes, est beaucoup trop en retrait. On a peine à l'entendre. Il aurait fallu placer l'instrument tout en avant de la scène pour en savourer la teneur. Enfin le duo de Zina et Adario, d'ordinaire pour soprano et basse, est transposé pour deux soprani. La voix de , plus profonde, avec de solides appuis dans les graves joue le rôle de l'amant. « Forêts paisibles… » est un air (ou duo) qui reste longtemps gravé dans la mémoire. Non seulement on se surprend à le chantonner mais c'est tout le corps qui bat la mesure.

En guise de conclusion, un concert réussi, mené par une équipe aguerrie et extrêmement bien préparée. Que du bonheur.

Crédit photographique : © Étienne Boucher Cazabon

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