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Le Quatuor Turovsky au festival Classica

Imaginez quatre élèves surdoués, début vingtaine, tous formés à la russe sous la férule des Turovsky. Le maestro Yuli pour le violoncelle () et son épouse Eleonora pour le violon (Robert Margaryan et Veronica Ungureanu) et l'alto (Elvira Misbakhova). À la suite du décès de madame Turovsky survenu en mars 2012, l'idée d'unir leurs forces a germé. Puis janvier 2013, autre catastrophe, maestro Turovsky va rejoindre Eleonora. Moments de recueillement, certes, mais dans l'ombre de la nuit, l'âme des Turovsky veillait comme la fée marraine penchée sur le berceau d'une formation en devenir. Ainsi, naquit le Quatuor à cordes Turovsky dont les premiers coups d'archet sont des coups de maîtres.

Au programme, trois pièces, dont deux majeures, interprétées par la jeune formation. Retenons d'abord, le Quatuor à cordes de Schubert, « La Jeune Fille et la Mort. »  La souplesse et le jeu très legato de Robert Margaryan (premier violon) sa justesse d'exécution donnent corps aux différents mouvements. En consacrant la première partie du concert à ce monument de musique de chambre, c'est l'atmosphère schubertienne qui s'imprègne et plane au-dessus de nous, sa luminosité tragique, son romantisme exacerbé.

Passons sur l'Adagio pour cordes de . L'exécution est honnête et faite de retenue. Enfin, la pièce de résistance, le Quatuor à cordes n° 8 en do mineur de . Aucune oeuvre ne saurait mieux définir les Turovsky. On sait les liens étroits tissés avec l'oeuvre du grand compositeur « soviétique » qui a vécu sous l'ère stalinienne. Cette exécution est plus qu'un hommage, c'est un moment de vérité. Dès les premiers mouvements, on sent palpiter le coeur de chaque exécutant – ce lien indélébile qui les unit – et le thème qui revient hanter la partition. Sous les doigts de l'étonnante formation, peut-on sentir la main du maître. Et en rappel, la Polka de Chostakovitch, oeuvre sarcastique, très courte, d'un humour décapant, une grimace, le dernier coup d'archet en guise de salut.

Les quatre solistes portent en eux ce germe reconnaissable mais aussi la marque distinctive qui pourrait devenir avec le temps, la valeur prégnante de la formation.

La vie renaît sous les cendres et le terreau fertile  produit déjà ses premiers fruits. Que l'ombre heureuse de Philémon et Baucis veille longtemps sur eux.

Crédit photographique : ©  Étienne Boucher Cazabon

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