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Au Royal Festival Hall Esa-Pekka Salonen et Lisa Batiashvili

La fin de saison du Philharmonia tenait à célébrer une heureuse collaboration avec le chef dans une suite de concerts qui s'est achevée le 27 juin avec la Symphonie des Milles de Mahler. La veille, la soirée avait vraisemblablement pour trame l'hymne à la musique finlandaise : celle d'aujourd'hui, avec la première britannique de Maan varjot, œuvre de la compositrice , et celle d'hier, avec le célébrissime Concerto pour violon et la Symphonie n°2 de Sibelius.

La pièce de , pour orchestre et orgue, écrite à la mémoire de , n'a pas manqué de surprendre. La compositrice s'exprime à son propos dans le programme : « je m'intéresse aux aspects qui distinguent les instruments et à ce qui donne leur identité. Par exemple, l'orchestre possède une grande flexibilité qui vient de sa capacité à créer de la micro-tonalité, des glissandos, des textures riches en bruits instrumentaux et en dynamiques délicates, faites de multiples couches sonores. A l'opposé, l'orgue a la capacité de produire des textures riches et très précises, cela avec un seul musicien, mais aussi des longues notes tenues sans la contrainte du souffle ou celle de la longueur de l'archet. »

Pari réussi : les dessins mélodiques de l'orgue, sous les doigts d'Oliver Latry, prolongés par les tenues des cordes, semblait tantôt former un seul et même instrument, tantôt s'opposer complètement au reste de l'orchestre ; la partition produit des moments savoureux et étonnants de sonorités et de couleurs : les parties de l'orgue, la harpe, les flûtes et les clarinettes, glockenspiel et vibraphone se fondant les unes dans les autres pour former de grands clusters cataclysmiques, parfois écrasants et massifs, parfois éthéré, comme provenant du monde lointain de son dédicataire. Mais malgré l'intérêt indéniable de la pièce, il semblait manquer le goût de nécessité et d'évidence formelle qui fait la grandeur des chefs-d'œuvre de musique : sans véritable progression, l'orchestre semblait parfois errer dans un bavardage plaintif et gris, malgré la direction précise et rigoureuse d'.

Rien ne pouvait mieux contraster avec ce début de soirée que le Concerto de Sibelius interprété par la violoniste géorgienne : dès l'ouverture du premier mouvement, feutré et intime, nous sommes suspendus à son archet, à la frontière du silence, pour un résultat sonore à la fois très recueilli et très intense. Dommage que la beauté de ses chuchotements se transformait en un son en demi-teintes dans les passages passionnés : l'orchestre paraissait avancer sur la pointe des pieds pour ne pas couvrir la soliste, qui semblait rattraper en rubato ce qui lui manquait en puissance sonore.

La Symphonie n° 2 de Sibelius est venue conclure ce concert, pièce sous-titrée « Symphonie de la Libération » non par le compositeur lui-même mais par son public. Le compatriote de Sibelius, Sulho Ranta, croyait qu'il y avait en elle « une qualité chamanique — tout au moins pour nous, Finlandais — qui nous jette un sort à la manière d'un tambour magique. » L'interprétation d' semblait aller dans le sens de cette citation, mettant l'accent sur le caractère dansant, populaire, mais aussi épique et guerrier, sans lourdeur ni maladresse. Une symphonie pleine de vie et de passion magnifiquement rendu par un orchestre et un chef engagés jusqu'à la dernière note.

Crédits photographiques : Esa-Pekka Salonen ©Anja Frers ; © Deutsche Grammophon GmbH

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