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Pierre Thilloy fête l’Arzebaïdjan fascinant à Syam

Soit, posée au creux d'un vaste cirque de montagnes verdoyantes du Jura, une villa palladienne aux murs jaunes et volets sombres. De l'autre côté de l'immense pelouse, un étrange bâtiment en fer à cheval, l'ancienne ferme. Dans la première une rotonde de quatre étages peinte en trompe l'œil. Dans l'autre une vaste salle en arc de cercle et une cour pavée, pourvue de deux auvents blancs, soutenus par d'épaisses colonnes. Au fil des concerts, le public y découvre des musiques contemporaines étrangement humaines et accessibles, servies par les interprètes attentifs qui la jouent, le plus souvent, pour la première fois.

Invité en résidence en Azerbaïdjan par l'ambassade de France il y a onze ans, le compositeur reste fasciné par « une culture musicale d'une beauté confondante ». À Syam il a construit un programme d'ouverture et de partage qui va de Bach, révéré en Azerbaïdjan, à des œuvres très récentes, en passant par Chopin « parce que la maison possède un piano sur lequel il aurait joué et que ce sont des architectes polonais qui ont construit la Bakou haussmannienne ». Un concert entier est consacré à Chostakovitch qui a beaucoup influencé les compositeurs azéris, un autre à qui a été l'élève de Chostakovitch, et le professeur d'un autre grand compositeur joué durant le festival, , celui-là même qui avait accueilli et initié Thilloy.

Au fil du festival, le plaisir ininterrompu de l'écoute nourrit la curiosité. Les œuvres jouées sont séduisantes et expressives, et le niveau incroyable des interprètes facilite une immédiate familiarité.

Le 5 juillet, premier jour, le programme commençait à 9h par un récital de l'immense violoniste , directeur musical du Festival. Il jouait deux œuvres austères de et la Chaconne de Bach. Un délice ! Six autres concerts suivaient, avec, entre autres, des miniatures d' ciselées par , et l'intégrale des mélodies de Chopin, divinement chantées par . À midi, du jazz, on aime beaucoup le jazz en Azerbaïdjan. À l'heure du thé, un grand concert de Mougham, poèmes chantés, improvisation azérie codifiée par la tradition et jouée sur des instruments traditionnels. Enfin, le soir, jouait avec le pianiste , virtuose dans la grande tradition russe, une sonate ardue de

L'après-midi du 6 juillet, sur l'Esplanade du Fer à cheval, l'élégant altiste Nicolas Mouret, interprétait Génésis, de . Dans la douceur d'un vent tiède, les longues phrases articulées par l'archet dessinaient l'espace intime qui nous sépare de nos rêves, rempli de nos souvenirs, et de tout ce qui a disparu dans l'oubli,  nous préparant peut-être une nouvelle naissance. jouait, elle, une sonate sage et folle de la compositrice . Car les femmes, dans ce pays musulman, sont libres, même de composer de la musique !

Brass Band le 7 juillet , Flute de Pan le 8, Diableries littéraires et violinistiques le 9 avec les Trilles du Diable de Tartini par , et causeries philosophico musicales avec Michel Onfray. passe le 10 pour un récital de violoncelle, où il joue, entre autres, son Élégie op 10 avec le Quatuor d'Aquitaine. Le 11 retour en Europe avec Bach le matin et, en guise d'adieu, les miniatures pour cordes de Mirzazadeh.

De jour en jour, on se familiarise avec des styles et des noms nouveaux. On se crée de nouvelles affinités. On est tétanisé par l'agilité virtuose et vitale de Stéphane Rougier que l'on retrouve presque chaque jour, par l'exactitude et l'émotion retenue d', par la souplesse de . On reste hanté par la mélodieuse clarinette du Syrien et par le charme d', génial pianiste de jazz, Grand Prix du public au festival de Montreux en 2011, qui improvise au gré du Mougham, de la Pop, de Chopin ou de Mozart.

Et on repartira en ayant appris de nouveaux mots, de nouveaux noms, goûté à des sonorités nouvelles …, plus riches d'avoir partagé des émotions inattendues.

Crédits photographiques  : E.Schneiter

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