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Monographie Allain Gaussin, une musique de l’imaginaire

S'il a côtoyé durant ses études la génération des Spectraux – Tristan Murail, Gérad Grisey, Michaël Levinas… – (né en 1943) est toujours resté en marge de ce courant esthétique, traçant son propre sillon au fil d'une recherche originale dont il va définir les tenants et les aboutissants.  Ce troisième album monographique du compositeur dessine une trajectoire créatrice toujours en devenir, qui embrasse ici quelque vingt années de composition, du duo d'Ogive pour flûte et piano (1987) à Tokyo-City (2008), une partition pour piano seul dont le titre emblématique pointe les affinités du compositeur avec l'Extrême-Orient. C'est à l'écoute d'une flûte shakuhachi, entendue à la radio dans les années 70, qu'il amorce un travail singulier sur la ligne mélodique, ornementale et directionnelle, qui constitue encore aujourd'hui une des signatures stylistiques du compositeur. Elle est mise à l'oeuvre dans la partie de flûte d'Ogive et surtout dans celle de la clarinette de Satori, mot japonais désignant « l'Éveil intérieur ». La pièce soliste est un long processus remarquablement conduit – Jean-Marc Fessard virtuose – qui porte la matière sonore vers l'incandescence et la saturation. De résonance asiatique toujours, Chakra (1984) est, à ce jour,  l'unique quatuor à cordes du compositeur et certainement l'un de ses chefs d'oeuvre: par l'étonnante trajectoire d'une matière sonore forgée sur les 16 cordes du quatuor que le compositeur considère comme un méga-instrument. Le recours à de nombreux modes de jeu (utilisation de plectres, pizzicati avec l'ongle, archet gettato…) façonne une matière sonore souvent bruiteuse dont les instrumentistes de Sillages, rompus à ces techniques virtuoses, confèrent un grain et une couleur étonnantes. Jardin Zen (1999) est une pièce pour clarinette et sons électroacoustiques sur support, articulée en cinq épisodes autour de la Méditation centrale. rend ici un hommage à Gérard Grisey en déployant, dans les dernières mesures de la partition, une image spectrale (une fois n'est pas coutume) sur laquelle s'inscrivent les sons multiphoniques de la clarinette.

Partition redoutable pour le pianiste – Vincent Leterme exemplaire –Tokyo-City, déjà mentionnée, relève de divers processus temporels chers au compositeur, élaborant une écriture pianistique dans la fluidité du mouvement et la complexité croissante des lignes pour créer ce que le compositeur nomme ses « polyphonies flottantes ».

L'Harmonie des sphères (2006) qui ouvre l'album et lui donne son titre, dévoile une autre source d'inspiration, le cosmos et ses énigmes qui ne cessent de stimuler l'imaginaire d' et donnent naissance à d'importantes partitions pour orchestre comme Année-Lumière en 1992-1993. Beaucoup plus récente, L'Harmonie des sphères est la pièce pour petit ensemble la plus aboutie du compositeur. Elle donne toute la mesure d'un art alliant maîtrise formelle et précision du détail, travail sur le timbre et écriture de l'espace: « L'ensemble évolue dans une sorte de canevas perlé, démultiplié, pour s'achever au centre d'une galaxie » commente le compositeur. Les musiciens de l', dirigés ici par , et servis par une prise de son idéale, confèrent tout à la fois la souplesse des trajectoires et la tension des processus qui maintiennent l'écoute suspendue à la destinée de la matière sonore

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