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L’ensemble vocal Chanticleer au Festival Musique et Nature en Bauges

Fondé en 1978 par le ténor Louis Botto, l'ensemble vocal , basé à San Francisco, a acquis une renommée internationale incontestable. Douze chanteurs masculins d'origines ethniques diverses, qui forment un « orchestre de voix », couvrent un répertoire extrêmement vaste, depuis les chants grégoriens jusqu'au jazz et au spiritual, en passant par des œuvres de compositeurs de musique occidentale, mais aussi des traditionnels d'Europe et d'Amérique. Quoi qu'ils chantent – que ce soit des chansons de la Renaissance ou des arrangements de hit parade pop ou rock, leur performance est toujours de très haute perfection. A ce jour, ils ont créé une centaine d'œuvres écrites par plus de 70 compositeurs contemporains et leurs travaux sont récompensés par de nombreux prix, dont un Grammy Award. Et pourtant, peu de Français connaissent ce groupe, et les organisateurs de concerts (surtout parisiens) l'ignorent souvent, à part quelques rares festivals d'été en province. Est-ce la question de la tradition française, centrée sur la musique instrumentale et orchestrale ou sur la musique de chambre ? Ou encore le fait qu'un chœur y est souvent associé à l'opéra ou à l'oratorio (donc avec la musique d'ensemble instrumentale), contrairement aux pays anglo-saxon, où la pratique chorale est plus active et nombreuses œuvres lui sont destinées ? Quelle qu'en soit la raison, et quel que soit le prétexte, il est absurde de passer à côté de , se privant d'occasions de goûter à leurs magnifiques harmonies et sonorités a capella.

Le Festival Musique et Nature en Bauges fait partie de ces rares festivals qui le programment, et qui plus est, pour la cinquième fois ! Le public local y est fidèle, les mélomanes de la région savent parfaitement de qui il s'agit. La preuve : les deux concerts sont archipleins et à la fin de chaque concert, le public leur offre une ovation debout de 10 minutes. Et ils ne se trompent pas.

La première soirée, sous le thème de « Mystère », nos chanteurs retracent un petit panorama historique du chant sacré, liturgique et séculier ; et la deuxième, « Gypsy », est une thématique autour du voyage, dans le temps et dans l'espace. Au début des deux concerts, ils proposent des polyphoniques de la Renaissance, où la pureté de la voix, obtenue par une émission extrêmement naturelle, nous transporte immédiatement dans un univers hors du quotidien, et ce dans une agréable sonorité amplifiée par l'acoustique de chaque église. Ils semblent en profiter particulièrement pour exécuter un madrigal de , dont la progression harmonique crée un effet singulier. De ce paysage sonore ils changent progressivement de registre, dans l'un des concerts en restant en Europe et dans l'autre, en explorant d'autres régions du monde. A chaque pièce, les douze musiciens modifient leur dispositif, tantôt en changeant de place, tantôt en se disposant en deux rangs ou en plusieurs groupes, afin de rendre la meilleure sonorité possible. Ainsi, un soprano peut se glisser au milieu des barytons, une basse à côté d'un alto. Et à chaque changement, ils prennent quelques secondes avant et après le déplacement, et avant d'ouvrir la partition ; le mouvement rappelle quelque peu l'armée par la précision du « réglage », mais effectué en douceur et avec le sourire. Au fil de la soirée, certains chanteurs changent même de timbre : par exemple, le baryton-basse Marques Jerrill Ruff se fond totalement dans un timbre céleste quand il interprète Palestrina ou Lassus, mais il a la voix typique d'un chanteur noir quand il chante un gospel.

Dans le deuxième concert, l'alto Cortez Mitchell donne une performance étonnante dans la fameuse « Vocalise » de Bachianas Brasileiras n° 5 de Villa-Lobos, avec sa voix d'enfant mais dans une maturité de femme mûre ; oui, même si c'est un jeune homme qui chante. Ces exemples sont suffisamment éloquents pour que l'on perçoive l'incroyable capacité vocale de chaque chanteur ! Et comme ils partent à la découverte de toutes sortes de répertoires, ils chantent dans différentes langues, latin, anglais, allemand, français, mais aussi espagnol, tchèque, hongrois et autres, dans une diction plus ou moins claire. Ainsi les Chansons françaises de Poulenc ne sont pas toujours clairement articulées, même si musicalement leur interprétation est d'une très grande qualité. Tout est propre et parfait, à l'exception d'un petit bémol : un ou deux chanteurs soprano ont tendance à forcer la voix dans les aigus, cassant parfois légèrement la résonance de l'ensemble.

Ces deux soirées furent absolument prodigieuses, et tous ceux qui ont entendu ne serait-ce qu'une seul fois ces chanteurs sont à coup sûr conquis par la belle harmonie qu'ils tissent ensemble.

Crédit photographique : © DR

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