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Harding dirige le Filarmonica della Scala

A Gstaad, victime de sa jeunesse ?

La Filarmonia de La Scala n'est pas à confondre avec l'Orchestre de La Scala. Si l'activité du second est principalement axée sur les représentations lyriques du prestigieux opéra de Milan, le premier dédie son temps à des concerts de musique symphonique. Fondé en 1982 par Claudio Abbado dans le but de développer le répertoire symphonique, les plus grands chefs d'orchestre se sont successivement trouvés à la tête de cet ensemble.

C'est sous la direction du chef anglais que l'ensemble milanais se présente à ce concert dont le choix musical de commencer le concert avec l'ouverture de La Forza del Destino  de Giuseppe Verdi apparaît antinomique avec l'interprétation des inspirés Vier Letzte Lieder de Richard Strauss. Ceci d'autant plus que entame les pages de Verdi dans un déluge de sons forte. Confondant puissance et résonance, sa direction s'avère bien éloignée de l'esprit des pages de Verdi.

Passant aux lieder de Richard Strauss, on espère qu'une plus grande attention sera donnée aux climats des poèmes et de la musique qui les illustre. Malheureusement, il semble que la jeunesse du chef anglais le porte loin des vers de Hermann Hesse et de l'esprit qui règne dans cette musique profonde et hypnotique.

« Frühling » pris sur un tempo trop rapide met la soprano (remplaçant Christine Schäfer souffrante) en difficulté d'autant plus qu'elle peine à trouver les aigus de ce premier chant. Daniel Harding semble ne tenir aucun compte de la soliste, continuant à s'occuper de l'orchestre perdant souvent l'écoute de la soprano.

Dans « September » encore, manque de lyrisme. La ligne de chant est heurtée et il est difficile d'apprécier ses éventuelles modulations de la voix devant constamment chercher à chanter au-dessus d'un orchestre bruyant à souhaits. Ce n'est que dans les ultimes mesures de ce chant que l'équilibre voix/orchestre trouve sa voie.

Avec « Beim Schlafengehen », Daniel Harding semble ne tenir aucun compte de la soliste, délivrant les forte de l'orchestre quand bon lui semble, sans donner l'impression de souligner les paroles qui sont chantées. Certes, chante sans beaucoup d'inspiration.

Le sublime et triste « Im Abendrot », on se retrouve avec un orchestre jouant sans conviction. Richard Strauss, le compositeur qui a écrit les plus belles mélodies pour les femmes, n'est ici encore délaissé dans son lyrisme pour offrir une interprétation sans profondeur ni investissement malgré la beauté de ces pages.

Comparaison n'est pas raison. Il existe maintes interprétations de la Symphonie n°4 de Tchaikowski. Dès lors, on peut comprendre qu'un jeune chef d'orchestre comme Daniel Harding veuille explorer de nouvelles facettes de cette œuvre pour ne pas singer les Karajan, les Gergiev, les Muti  et autres Bernstein. Mais on peut imaginer aussi que cette démarche soit le fruit d'une réflexion. Or, dans son interprétation Harding ne raconte rien. Peut-être que la jeunesse, voir l'encore inexpérience du chef anglais, l'empêche d'aborder certaines musiques avec la modestie nécessaire face aux compositeurs. Peut-être est-il victime de sa jeunesse ?

Passant de forte tonitruant à des pianissimi exagérés, il lâche l'orchestre dans des tutti bruyants sans qu'on saisisse les raisons de ces brusques changements de volume sonore. On perçoit tous les pupitres de manière didactique mais Daniel Harding n'arrive pas à les marier pour en extraire une ligne mélodique ou les couleurs de l'œuvre. Pour une musique aussi russe que celle-là on cherche la Russie.

Pour autant, le public semble satisfait au vu des applaudissements qu'il réserve à cette prestation. Un succès que Daniel Harding reçoit en offrant un bis avec l'ouverture de Guillaume Tell de Rossini. Un cadeau suisse dont on se serait bien passé tant l'exécution s'est avérée sans réelle volonté musicale.

Crédit photographique : Dorothea Röschmann © Raphaël Faux

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