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Noé Soulier, Mouvement sur mouvement

livre en solo, dans l'Amphi confiné de l'Opéra, une dissertation en mouvement sur le mouvement, se sacrant danseur phénoménologue. « Je ne pourrai croire qu'en un dieu qui saurait danser » écrivait Nietzsche, nous avons vu ce dieu-là en  !

Le jeune chorégraphe philosophe donne dans « Mouvement sur mouvement » une leçon de danse en acte d'un sérieux implacable et d'une précision sans égal. Son « cours » clairement articulé s'articule lui-même sur les mouvements qui l'illustrent. Ses gestes reprenant ceux que Forsythe emploie pour expliquer sa danse, s'appuient sur un discours qui se cale sur le geste. Le mouvement éclaire donc la parole qui elle-même provoque le mouvement. Bref il s'agit bien d'un mouvement, celui de la parole, sur un mouvement, celui du corps dansé, ou d'un mouvement, celui du danseur, sur un mouvement, celui de la pensée en acte. Ou bien encore comment montrer ce que fait le penseur quand il danse : est-il en apesanteur, au-delà de son geste, dans un dépassement transcendant, ou s'observe-t-il dansant, ajoutant du mouvement (la pensée) à du mouvement (le corps dansant) ?

Bref, c'est un solo époustouflant de calme et d'honnêteté que propose tout en citations éclairantes de Forsythe, Trisha Brown ou Simone Forti notamment, sans oublier Aristote, le brillant danseur, qui enchaîne sans faux pas geste sur geste et réflexion sur réflexion, prenant pour paradigme le phrasé de l'arabesque et le sens de la tâche 21. atteint sereinement son objectif : « dire quelque chose en mouvement sur le mouvement » qui veuille dire quelque chose sans brasser de vent, et semble tout gérer naturellement sans effort.

Par chance ses jeans laissent transparaître la sueur, ouf ce dieu nietzschéen est bien humain. Il a même fait un beau lapsus samedi (à moins qu'il ne l'ait écrit aussi) en disant à « mi-courbe », puis se reprenant « à mi-course ». En danse, dit-il encore, l'objet modelé, c'est moi, tout l'enjeu est de le « transformer sans le détruire », il s'agit alors de « trouver le meilleur compromis possible » dans cet exercice qui consiste à se jardiner soi-même. Voici un arbre qui a tout d'un futur baobab dans le monde pensant de la danse !

Photo : Noé Soulier © Valle Vallomini Chiara

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