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Compagnie Maguy Marin, BiT : farandole et viol

Dans le Petit Théâtre du TNP, toujours engagé, sous le nom de code « BiT », l'unité de mesure informatique binaire de base, explore tout en farandole et en pornographie, le rythme de l'individu articulé au collectif.

livre sa création 2014, la plus dérangeante sans doute, sous l'aspect d'un manifeste contre le pouvoir masculin. Six danseurs cherchent leur rythme sur les marteaux technos hypnotiques du musicien et sound designer Charlie Aubry,  dans une farandole aux pas cadencés comme en quinconce. Six larges planches en bois sont inclinées sur la scène, une pour chacun. Au gré de la farandole, elle se rapprocheront, englobant peu à peu l'individu dans le collectif, brouillant son rythme au point de le violer ou de le tuer.

Une fois les planches accolées, les danseurs ne jouent plus à cache-cache les uns avec les autres, mais ressurgissent derrière l'une d'entre elles, devenue lit géant recouvert d'un drap de soie orange, d'où ils glissent de haut en bas à l'envers et demi-nus, se mêlant les uns aux autres jusqu'à se retrouver au sol, forniquant. Le rythme se calant sur l'orgie sexuelle ressemble à cette unité de mesure binaire qui traverse la pièce, 0-1, Vrai-Faux, Homme-Femme, Pouvoir-Soumission. Il est bien question de  BiT, à une échelle d'autant plus pesante qu'elle s'en prend de manière caricaturale (0-1) au religieux, figurant des moines en scapulaire noir, portant des masques blancs, s'adonnant en réunion à des sodomies nécrophiles. La critique acerbe s'arrête là. Les costumes changent et la farandole revient, donnant à admirer le tableau d'une belle dynamique de groupe, comme pour chasser la grossièreté de la démonstration précédente. Mais le manifeste reprend son cours sous la forme du désir masculin imposé à une femme qui s'en suicide, renvoyant à ces destins scellés qu'évoquaient plus tôt les trois Parques dévidant leur fil, en crinoline.

Main dans la main, les danseurs reprennent leur farandole articulée, montant, descendant, serpentant sur les planches, se jetant finalement un à un dans le vide du haut de la dernière planche, côté cour, quand le collectif n'est plus assez large, semble-t-il,  pour tolérer l'individuel.

Quand Salves, en 2010, en collaboration avec Denis Mariotte, avait pour trame « le mot d'ordre » ou de désordre : « organiser le pessimisme » de Walter Benjamin, la matière grise filtrait à flots, là, au TNP, son public lui est à cent pour cent acquis, mais le concept se fraye difficilement un chemin. En cherchant à creuser la question du rythme sur un tempo pornographique, s'est enfermée dans un système binaire, qui lui fait oublier toute une gamme de nuances et la laisse en surface. Sa création 2014 est certes politique, mais la philosophie est restée au fond de la penderie, peut-être.

Photo © Christian GANET

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